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complètement dévouée ; c’est l’événement le plus propre à compromettre et ébranler sa santé. Vous me pardonnerez si je m’arrête ici, car je suis très ému par cette triste nouvelle. Je pense que vous agiriez avec bonté en écrivant au Roi. Vous êtes trop intimement liés pour ne pas le faire, et cela adoucira sa peine : il a été assez persécuté depuis l’année dernière. J’espère que vous commencerez mieux que nous ce triste mois de janvier. Mes meilleures amitiés à Albert, et croyez-moi toujours, ma très chère Victoria, votre oncle sincèrement dévoué.


La reine Victoria à lord John Russell[1]


Château de Windsor, 3 janvier 1848.

La Reine communique à lord John Russell une lettre de son oncle, le roi des Belges, qui lui montrera combien la mort de Madame Adélaïde est un coup terrible pour le roi des Français et la famille royale. La première pensée de la Reine fut d’écrire au Roi, ce qu’elle n’aurait pas fait sans en informer d’abord lord John ; mais après réflexion, elle pensa qu’il serait plus expéditif et mieux d’écrire de suite à sa cousine Clémentine, la princesse Auguste de Saxe-Cobourg, pour la prier d’exprimer en son nom au Roi sa sincère sympathie à l’occasion de ce triste événement. La lettre du roi des Belges a cependant ramené la Reine à sa première pensée, qui était d’écrire au Roi, et elle désire savoir ce qu’en pense lord John. La Reine estime que ce serait manquer de dignité et de sentiment que de persister dans une froideur politique en un pareil moment, alors que sa sympathie personnelle est si forte et si sincère. Certainement la Reine, en d’autres circonstances, aurait sur-le-champ écrit au Roi. D’un autre côté, sa première lettre à sa cousine, la fille du Roi, peut suffire, car elle transmet un message direct ; et il peut y avoir des gens qui transformeraient [une nouvelle démarche] en un acte politique. Néanmoins, la Reine pense qu’il serait préférable pour elle de courir le risque de ces commentaires, plutôt que de paraître insensible et d’avoir l’air d’oublier l’affection et l’intimité d’autrefois.

La Reine serait bien aise d’avoir l’opinion de lord John sur ce sujet aussitôt que possible.

  1. Cette lettre est intitulée : « Copie rédigée de mémoire d’une lettre à lord John Russell. »