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d’habitude, pour exercer sur lui un effet d’intimidation instantané, a montré une fois de plus à quel point sont instables les résolutions de M. Caillaux.

Dans sa lettre à M. Pelletan, M. le ministre des Finances s’est fait couvrir par ses directeurs départementaux des contributions directes. « Tous ou presque tous, » ces fonctionnaires « vieillis sous le harnais » se sont déclarés émerveillés d’un projet de loi qui fait faire à notre système fiscal un progrès aussi heureux. Presque tous, dit la lettre ; il y a donc eu des exceptions ; un certain nombre de directeurs ont été assez indépendans et assez courageux pour n’être pas de l’avis de leur ministre. Malheureusement, la lettre de M. Caillaux passe sous silence leurs observations et leurs critiques, tandis qu’elle reproduit longuement les jugemens favorables des autres. L’un d’eux surtout a été dithyrambique. « Quant à l’amélioration que la réforme fiscale apporterait dans la répartition des charges publiques, elle saute aux yeux, d’après lui, et ne paraît pas avoir à être démontrée. » Alors, à quoi bon ces expériences locales ? A quoi bon ces sondages ? Le directeur dont on ne nous dit pas le nom, mais qui exerce, paraît-il, dans un des plus grands départemens de France, juge tout cela inutile. L’évidence a-t-elle besoin d’être prouvée ? M. Caillaux a certainement goûté ce blâme discret de ses scrupules, puisqu’il en a fait part à la Commission. Celle-ci, toutefois, aurait peut-être mieux apprécié les mérites de l’impôt sur le revenu, si on lui en avait apporté des preuves expérimentales d’un caractère moins incertain. M. le ministre des Finances avoue en effet, dans sa lettre, que bien des détails, dont quelques-uns sont très importans, demeurent obscurs à ses propres yeux. Il a dû se demander, par exemple, si la réforme, le lendemain de son application, ne troublerait pas l’équilibre budgétaire. Les impôts nouveaux rapporteront-ils autant que les anciens ? À cette question, M. Caillaux commence par faire une réponse optimiste, et raisonnant à la manière de Perrette avec son pot au lait, il considère déjà comme accompli ce qui n’est encore qu’une espérance. « Quelle que soit l’importance des dégrèvemens, l’application du projet a donné, dit-il, un excédent de recettes assez sensible par rapport aux impositions actuelles. » Cet « a donné » n’est-il pas rassurant ? Mais, quelques lignes plus loin, après avoir énuméré les dégrèvemens qui rendent pour tous ceux qui en profiteront la réforme si séduisante, M. Caillaux en vient à ceux qui subiront au contraire une aggravation de charges et chercheront à s’y soustraire, et alors il écrit : « On ne doit pas se dissimuler que l’importance numérique relativement faible