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« plaquée. » Après quoi, ce jouisseur sans cœur et sans foi se donnera des airs de pardonner à son innocente de femme ! Et le public ne témoignera en aucune façon que ces manières le choquent. André est un beau mâle ; il suffit même que ce soit le mâle : la foule n’est pas du tout féministe. On voit assez que nous n’avons pas affaire ici à un personnage de morale en action. Ah ! MM. de Flers et de Caillavet n’ont pas été indulgens pour lui ! Ils lui ont composé à dessein une âme de boue, car ils savent que ce mélange de fatuité et de goujaterie est tout à fait caractéristique du « jeune premier » de la comédie moderne.

Il va sans dire qu’une comédie de genre doit bien finir. Cette question du dénouement a plus d’importance qu’on ne croit. Il ne suffit pas en effet qu’on nous épargne, à la fin, une impression fâcheuse et un souvenir pénible. Il faut encore qu’on nous donne à emporter quelque maxime de vie utile et agréable. La théorie de « l’amour qui veille » est à ce point de vue excellente. Nous n’aimons guère la contrainte ; et tout ce qui peut nous en délivrer nous agrée. Par exemple, beaucoup de gens se croient, même de nos jours, obligés d’élever leurs enfans avec une sorte de sérieux : ils les munissent de principes ; mais si la religion et l’éducation ne servent à rien, nous voilà dispensés de cette peine ! En vertu de la même théorie, un mari qui veut se passer quelques fantaisies, en est libre, à condition qu’il soit sûr d’être aimé par sa femme. Et celle-ci, de son côté, sûre qu’elle est d’aimer son mari, peut à son aise se permettre de jouer avec le feu, ce qui est très amusant. Les moralistes les plus avisés sont comme ces médecins qui ont l’art de prescrire ce qui fait plaisir.

Est-il besoin d’ajouter qu’une comédie de genre doit être une pièce bien faite ? Cela est plus nécessaire qu’ailleurs, puisque l’œuvre vaudra surtout par la perfection de l’agencement. Nous voilà heureusement revenus du paradoxe qui naguère célébrait la maladresse au théâtre comme un mérite supérieur ! C’étaient aussi bien les partisans de la pièce « mal faite » qui déclaraient qu’il ne faut plus mettre d’esprit dans les pièces. Médire de l’esprit, à Paris, et quand il s’agit de théâtre, quelle hérésie, mais surtout quelle simplicité ! Le public parisien adore l’esprit ; il ne trouve jamais qu’il y en ait trop ; il raffole des mots ; il aime à les reconnaître au passage et à les saluer d’un petit air de familiarité entendue. Le dialogue d’une comédie de genre doit briller, étinceler, pétiller de mots. MM. de Flers et de Caillavet en ont mis pour deux. Ces mots ne sont pas nécessairement commandés par la situation : les auteurs les ont semés à profusion, afin de nous