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un méchant homme ; du grand amour qu’il a eu jadis pour sa femme il conserve une sorte de sentiment attendri. Mais quoi ! Jacques d’Arvant, qui s’était naguère épris de Pauline, ne l’aime plus, François Desclos, qui jadis avait adoré Henriette, s’est aperçu de son erreur : il n’est que de changer de dames, comme au quadrille. Un mari prêchant à son rival cette forme encore inédite du devoir, et lui conseillant de la meilleure foi du monde : « Épousez ma femme ! » voilà la nouveauté de la pièce. Pour que le dénouement ne tournât pas au comique, il a fallu toute la sincérité des auteurs, et aussi l’obscurcissement qui se fait dans nos consciences.

Et il a fallu la maîtrise d’un artiste incomparable : M. de Féraudy. Cette dernière création est une de celles qui lui font le plus d’honneur. On ne peut mettre dans un rôle plus de verve, de bonhomie, de simplicité, et en même temps plus d’émotion contenue et pourtant communicative. Une pièce où M. de Féraudy est constamment en scène est assurée de réussir. M. Duflos a trouvé dans le personnage de Jacques d’Arvant un rôle tout à fait dans ses moyens. Mlle Sorel par son élégance, et Mlle Piérat par son charme, contribuent à l’agrément de l’ensemble.


Le public ne cessera d’estimer les pièces qui le font réfléchir ; et il ne cessera de préférer les autres. Il va au théâtre pour se divertir : il ne s’en cache pas et n’y cherche pas malice. Il sait gré aux auteurs qui, pour loi souveraine, ont le souci de lui plaire, qui peut-être ont patiemment étudié ses goûts, ou peut-être en ont été avertis par un secret instinct, et qui lui apportent exactement ce qu’il souhaitait. Il a toujours fait ainsi et on aurait bien tort de chercher là prétexte à partir en guerre contre notre frivolité. A distance, nous ne nous en rendons pas compte, et nous sommes dupes d’une illusion créée par la littérature. L’histoire littéraire ne conserve que quelques titres de pièces ; et, parmi ces pièces, il en est qui n’ont jamais eu de succès ; il en est qui ne se sont imposées que lentement. Mais où sont tant de comédies qui ont plu tout de suite et auxquelles les contemporains ont fait fête ? C’est grâce à elles pourtant, à leur fortune immédiate, à leur carrière brillante et fructueuse, que les théâtres vivent. Le plus grand nombre des spectateurs veut trouver au théâtre un plaisir sans peine. L’un des genres qui répondent le mieux à cet objet est celui de la comédie aimable, sans prétentions, et qu’on appelle précisément la « comédie de genre. » Elle avait, en ces dernières années, accusé un peu d’incertitude et de flottement. Elle hésitait entre diverses