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y persévérer : mais voici déjà que M. de Morgan y persévère durant deux gros livres !


Veut-on savoir les sujets des deux romans ? Joseph Vance est le fils d’un ouvrier de Londres, ivrogne, mais fort intelligent, et que nous voyons tour à tour devenir riche, puis faire banqueroute et mourir ruiné. Le petit Joseph, un jour, a accompagné son père chez le savant et excellent docteur Thorpe, qui a un fils à peu près du même âge, et deux filles, dont l’une, Lossie, plus âgée de sept ou huit ans, se prend bientôt, pour ce gamin des rues, d’une curiosité mêlée de sympathie ; et l’enfant, tout de suite, en récompense, se met à l’aimer, d’un humble et ardent amour qui désormais ne s’éteindra plus, au profond de son âme. C’est pour plaire à Lossie qu’il consent à s’instruire, et que, peu à peu, il se développe et s’élève, jusqu’au jour où, à Oxford, il apprend le prochain mariage de sa bien-aimée : sur quoi il renonce à tous ses beaux projets, et revient travailler auprès de son père. Puis les années passent, Lossie continue à demeurer aux Indes avec son mari, et Joseph Vance se marie, à son tour, avec une fragile et exquise créature qui n’ignore point qu’elle ne pourra posséder qu’une partie de son cœur. Et Joseph a la douleur de perdre sa femme, et c’est pour essayer de se distraire que, presque au lendemain de son deuil, il conduit en Italie le jeune frère de Lossie, devenu maintenant un poète, et un très beau garçon, mais égoïste, lâche, et parfaitement dépourvu de tous scrupules moraux. L’année suivante, ce jeune homme meurt ; et Joseph, vers le même temps, découvre que le misérable a séduit une jeune fille de Fiesole, et a eu d’elle un fils, et qu’il lui a emprunté son nom, pour éviter les mauvaises suites de cette aventure, de telle sorte que l’Italienne délaissée et ses parens croient avoir eu affaire au signor Joseph Vance. Alors Joseph, n’ayant plus d’autre intérêt au monde que son vieil amour, et voulant épargner à Lossie le chagrin de connaître l’infamie de son frère, adopte l’enfant, et l’emmène avec lui dans l’Amérique du Sud, où on lui a proposé un emploi d’ingénieur. Mais voici qu’une nouvelle et terrible épreuve lui est infligée : Lossie, revenue en Europe après la mort de son mari, se figure que c’est lui, Joseph, qui a séduit la jeune Italienne, pendant qu’il affectait d’être tout au désespoir de son récent veuvage. Indignée d’un tel manque de cœur, elle cesse aussitôt toute correspondance