reconnaître que, dans le passé, l’histoire politique et militaire est celle des éternels conflits de prééminence provoqués par l’impérialisme national. Notre histoire moderne, entre autres, nous en offre un saisissant tableau. Ses leçons se dégagent avec force de deux ouvrages également remarquables qui vont nous aider à poursuivre notre enquête : le livre où M. James Bryce a étudié, avec une rare pénétration, l’idée et l’histoire du Saint-Empire romain, et les deux premiers tomes de l’ouvrage capital que M. D.-J. Hill consacre en ce moment à l’Histoire de la diplomatie européenne : un ouvrage, soit dit en passant, qui déborde son sujet et traite en réalité, non seulement des négociations engagées et des traités conclus entre les peuples après la chute de l’Empire romain, mais de la nature profonde de toutes leurs relations, — c’est-à-dire de tous leurs conflits.
Lorsqu’on examine ces conflits dans leurs premières origines, on est frappé du caractère extraordinairement ambitieux, à la fois unitaire et illimité, qu’y revêt dès l’abord la « volonté de puissance. » Les souvenirs de la grandeur romaine sont partout ; bientôt, ceux de Charlemagne ajoutent leur prestige plus proche à ce mirage qui rayonne en reculant dans le passé ; comme Rome avait effectivement gouverné la partie du monde qui s’intitulait alors le monde, comme Charlemagne en avait un instant reconstitué le règne, il apparut aux penseurs capables de raisonner sur la politique comme aux chefs capables de la préparer ou de la faire, qu’il était loisible de reconstituer un pouvoir suprême, où se fussent absorbés tous les États particuliers : conception à laquelle M. Bryce[1]reconnaît justement une « base à la fois théorique et historique, » dont « on peut attribuer l’origine aux idées métaphysiques qui donnèrent naissance aux systèmes que nous appelons le réalisme. » (p. 125) M. Hill, à son tour[2], définit cette conception avec une si lumineuse simplicité, qu’il nous faut lui laisser la parole :
Pendant, tous ces siècles et longtemps après, dit-il, l’idée impériale fut le rêve des grands penseurs et hommes d’État. Elle n’a jamais cessé d’inspirer l’imagination par l’inspiration de ses idéaux et par ses splendides souvenirs… Son ombre étendue est tombée sur tous les trônes, a guidé toutes les grandes aspirations. Elle est donc devenue la clé de l’histoire de l’Europe, et surtout de la diplomatie européenne, dont les efforts suprêmes