Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/397

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

M. F. Challaye[1], auquel nous devons un remarquable exposé de la question du syndicalisme révolutionnaire, ne nous cache pas que cette forme nouvelle du socialisme « se présente comme une philosophie de l’action ; » qu’elle est donc une sorte de tactique, dont les « travailleurs » useront de mieux en mieux, à mesure qu’ils en connaîtront mieux la force, et qu’en approchant du pouvoir, ils comprendront mieux « la complexité des rapports sociaux et des intérêts nationaux. » Mais M. G. Sorel, esprit dur et puissant, avait pris soin de nous avertir qu’un incident quelconque ou la hardiesse d’un groupe de meneurs peut très bien précipiter les événemens, supprimer le « vieux droit individualiste » et instaurer sans plus de préparation le nouveau régime prolétarien : « Hasard et dictature des idéologues : voilà tout le socialisme nouveau[2]. » Ainsi, la « volonté de puissance, » dont la classe plébéienne est aujourd’hui pénétrée, assure, aux yeux de quelques-uns, le prochain triomphe de ses appétits et de son idéal. M. Seillière discute cette opinion ou cette croyance dans un passage où il paraît d’abord s’en écarter, puis s’y rallie à peu près, à propos d’un livre de M. Vaccaro. Il reproche à cet écrivain d’annoncer la fin prochaine de la bourgeoisie, sans distinguer « assez nettement peut-être les forces sociales qui entrent en jeu dans la formation de ces groupes, plutôt abstraits qu’effectifs, la bourgeoisie et le prolétariat. »

Après avoir indiqué qu’il n’y a pas, entre l’un et l’autre, des limites infranchissables, il ajoute : « Les bourgeois sont les vainqueurs éphémères dans la lutte individuelle pour la puissance qui devient de plus en plus la règle du combat vital au sein de l’humanité ; vainqueurs dont l’antique coutume utilitaire de l’héritage assure et protège sans doute quelque peu la victoire, mais n’en met pas moins durablement à l’abri les résultats toujours précaires et les avantages toujours contestés à bon droit par les impérialismes rivaux. L’histoire peut revenir en arrière et montrer de nouveau la lutte de groupes substituée à la lutte individuelle pour la puissance. » Là-dessus, détruisant d’un trait son hypothèse, il conclut : « Celle-ci n’en est pas moins le plus efficacement progressive, comme le démontrent assez les

  1. Le syndicalisme révolutionnaire. Extrait de la Revue de Métaphysique et de Morale (in-8°. Paris, Colin, 41 pages).
  2. La ruine du monde antique, in-18. Paris, Jacques, p. 13.