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bon sens qui résistent à toutes les démonstrations : il me suffit de voir à côté l’un de l’autre un nègre, un Chinois et un Européen, pour être certain qu’il y a entre eux des différences ; et que ces différences soient ou puissent être des inégalités, c’est ce qu’enseigne l’histoire, ou du moins la période de l’histoire que nous pouvons embrasser, puisque, pour affirmer l’inverse, il faut remonter à des époques que nous ignorons ou fixer nos regards sur un horizon trop éloigné pour eux. Mais l’incertitude, en revanche, me paraît commencer dès qu’on veut donner à ces vérités élémentaires une expression plus rigoureuse, ou dès qu’on leur cherche un fondement plus solide que le simple témoignage de nos sens. Ainsi, si nous en croyons M. Finot, tous les efforts tentés pour caractériser ou définir exactement les races humaines auraient échoué. Les anthropologistes n’ont jamais pu se mettre d’accord, ni sur la méthode ni sur les résultats. « Tandis que les uns ne cherchent qu’à diviser l’humanité en quatre branches nettement séparées, les autres, plus généreux, vont jusqu’à lui offrir des centaines de divisions et de sous-divisions (p. 79). » C’est assez dire l’incertitude de la science où Gobineau se mouvait avec tant d’aisance…

Des expériences qui seront peut-être douloureuses à nos descendais, démontreront dans l’avenir ce qu’il faut penser de la supériorité des aryans ou des blancs. Dès maintenant, de bons observateurs paraissent en douter. C’est le cas d’un écrivain anglais, qui paraît avoir observé de très près les gens et les choses de l’Asie[1], M. Meredith Townsend. A vrai dire, M. Townsend ne fait pas de théories, et néglige à peu près les questions d’origines et de divisions des races. Mais, acceptant en gros une division plus facile, celle qu’indiquent les noms des deux continens, et partant d’un grand nombre de faits qu’il a connus ou contrôlés, il constate entre l’Europe et l’Asie des différences irréductibles, qui empocheront toujours un des deux continens de conquérir ou de s’assimiler l’autre : « De 700 à 1757, dit-il, pendant plus d’un millier d’années, les routes de l’Asie sont restées exclusivement asiatiques, sauf une brèche d’un instant ouverte par les Croisés. Pas une province, pas une tribu, je pourrais presque dire pas un individu n’a été européanisé de façon permanente. Aussi loin qu’on peut voir, pas une idée européenne,

  1. Asia and Europe, in-8o. Westminster, Constable, 1901.