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communément comme les traits caractéristiques de cette théorie. Ses ennemis ne peuvent nier qu’elle ait déjà donné et qu’elle soit encore à même de donner aux nations un soudain et violent accès d’énergie agressive[1]… » Ainsi, l’Impérialisme serait une théorie de gouvernement favorable à la formation d’un pouvoir central très fort, enclin à l’absolutisme et prédisposé à la guerre. Qu’on rapproche cette définition, relativement précise, de l’idée plus ou moins vague qu’ont pu nous donner de l’Impérialisme quelques-unes de ses manifestations les plus récentes, comme tels discours de lord Salisbury, de M. Chamberlain ou de Guillaume II, telle tirade d’un drame de M. de Wildenbruch, tel poème de M. Rudyard Kipling, tel essai du président Roosevelt ; qu’on la rapproche ensuite d’autres manifestations de même nature, mais antérieures, comme on en trouverait dans les discours ou dans les écrits, par exemple, de Bismarck, de Moltke, de Treitschke, de lord Beaconsfield, etc. ; qu’on poursuive ces rapprochemens sans autre but que de se renseigner sur le sens complet du mot Impérialisme : on s’apercevra bientôt que, dans son acception actuelle, ce mot renferme tous les élémens indiqués par M. Bryce, mais avec quelque chose de plus. Ce « quelque chose, » ce sont, d’une part, toutes les idées de conquête, d’ambition et d’unification qu’y ont ajoutées les derniers événemens de la politique mondiale, et, d’autre part, les modifications importantes qu’a introduites dans notre conception de l’histoire cette « théorie matérialiste » dont Karl Marx fut le principal initiateur. Nous allons tâcher de nous en rendre compte en examinant les ouvrages dont nous avons inscrit les titres en tête de ces pages. Il y en a beaucoup d’autres qui roulent sur le même sujet. Ceux-ci, pourtant, nous suffiront : s’ils n’embrassent pas tout le problème, ils en dégagent du moins les faces essentielles ; et quand nous les aurons parcourus, nous saurons à peu près ce que c’est que l’Impérialisme, sinon ce que valent ses programmes, ses promesses et ses espérances.


I

M. Ernest Seillière s’est assigné la tâche d’exposer et de définir les principales formes de l’Impérialisme. Il nous a ainsi

  1. Trad. E. Domergue, p. 489-90.