Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/37

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

certainement un grand événement et une flatteuse démarche : les gens ici en sont extrêmement touchés. C’est un homme très remarquable ; il est encore fort élégant ; son profil est beau et ses manières des plus gracieuses ; il est extrêmement courtois, si plein d’attentions et de politesses qu’il en est inquiétant. Mais l’expression de ses yeux est terrible, et je n’ai jamais vu rien de semblable. Il me donne, ainsi qu’à Albert, l’impression d’un homme qui n’est pas heureux et à qui le fardeau de son immense puissance et de sa charge pèse lourdement et péniblement. Il sourit rarement, et, quand il le fait, l’expression n’est pas gaie. Il est très facile de se tirer d’affaire avec lui. Vraiment, cela me semble comme un rêve, quand je pense que nous avons déjeuné, que nous nous sommes promenés avec le plus grand potentat de la terre, aussi tranquillement que si nous nous promenions, etc., avec Charles ou quelque autre. Nous l’avons conduit avec le cher bon roi de Saxe[1], qui ne ressemble en rien au Tsar, et avec qui je suis tout à fait à mon aise, à Adélaïde Cottage après déjeuner. Le gazon ici est exactement comme s’il avait été brûlé par le feu. A combien de différens princes n’avons-nous pas fait faire le même tour ! ! Les enfans ont été beaucoup admirés par les Souverains (quel mot pompeux ! ) et Alice permit à l’Empereur de la prendre dans ses bras et l’embrassa de son propre accord. Nous sommes toujours si reconnaissais qu’ils ne soient pas sauvages. Tous deux, l’Empereur et le Roi, sont absolument enthousiasmés de Windsor. L’Empereur me dit très poliment : C’est digne de vous, Madame. Je dois dire que la salle Waterloo, éclairée par ce service tout en or, paraît splendide, et pour s’asseoir après le dîner, la salle de réception est fort belle. L’Empereur me dit beaucoup de bien de mon ange : C’est impossible de voir un plus joli garçon, il a l’air si noble et si bon. C’est, je puis le dire, très vrai. L’Empereur nous amusa, le Roi et moi, en déclarant qu’il était très embarrassé, quand les gens lui étaient présentés et qu’il se sentait gauche en frac : il n’est certainement pas habitué à le porter. Si nous pouvons l’amener à faire ce qui est juste d’après vous, nous serons très heureux. Peel et Aberdeen sont très désireux d’y parvenir. Je crois que [le Tsar] part samedi. Demain il y aura une grande revue ; et jeudi j’irai probablement avec eux aux courses :

  1. Frédéric-Auguste II.