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A Jérusalem, après la mort de Mgr Duval, la nomination d’un de leurs compatriotes, Mgr Giannini, à la dignité de vicaire apostolique, parut aux Italiens un moment favorable pour reprendre la campagne contre le Protectorat français. Le Custode qui, on le sait, est un Franciscain italien, le P. Razzoli, discrètement encouragé par les représentans de son gouvernement, chicane volontiers à notre consul général ses titres au Protectorat. Une question de serrure en bois remplacée par une serrure en fer aux portes du parvis du Saint-Sépulcre fut dernièrement, pour lui, une occasion de manifester sa mauvaise humeur. Chez ces Franciscains italiens, il faut bien le dire, l’ardeur patriotique est telle que parfois elle prime même leur zèle religieux.

C’est à Smyrne que l’activité des Italiens s’exerce avec prédilection ; ils cherchent à faire du grand port anatolien le centre de leur influence dans le Levant. C’est là que se produisit, l’année dernière, un incident insignifiant en lui-même, mais pittoresquement significatif. L’Alliance nationale, cette même association qui, naguère encore, était, non sans motifs, dénoncée aux défiances du clergé pour ses attaches maçonniques, faisait construire de nouvelles écoles qui coûtaient plus de 300 000 francs, et dont elle confiait la direction aux sœurs d’Ivrée. On avait peint, à la hauteur du premier étage du bâtiment, dans une série de cartouches, les armes des principales villes italiennes. Au-dessus de la porte d’entrée, au fronton de laquelle on lit : « Association nationale pour secourir les missionnaires italiens, » un cartouche demeurait vide : les badauds s’en étonnaient, quand un beau matin, à la suite d’un échange de dépêches entre la Consulta et le consulat d’Italie, on vit apparaître, à la place restée vide, les clefs et la tiare de saint Pierre[1].

A peu de temps de là, le marquis Imperiali vint inaugurer solennellement l’école ; deux navires de guerre rehaussaient de leur présence et de leurs salves l’éclat de la fête ; la réception, par les autorités turques, fut brillante et conforme au cérémonial consacré : haies de soldats sur tout le parcours du cortège, échange de visites officielles, banquet au Konak, bal, excursion

  1. Un fait du même genre a été dernièrement l’objet d’une interpellation du député Vicini ; il se plaignit que le ministre des Affaires étrangères eût fait enlever du mur d’une école, à Alexandrie d’Egypte, une inscription à la gloire de Garibaldi qui contenait une phrase dont pouvaient s’offenser les catholiques.