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notre ambassadeur, le comte Lefebvre de Béhaine, répond par la circulaire de la Propagande Aspera rerum conditio (22 mai 1888). Le cardinal Simeoni, au nom du Pape, y confirme expressément les droits que la France tient de ses conventions avec la Turquie et la Chine et du texte des traités internationaux ; il prescrit aux religieux des différens ordres qui ont des missions dans l’Empire ottoman ou dans l’Empire du Milieu de ne s’adresser qu’aux représentans de la France, puissance protectrice. Ainsi par un acte positif du Saint-Siège se trouvaient désormais explicitement réunies les trois conditions dont l’existence implicite nous assurait l’exercice du Protectorat : la reconnaissance de notre droit par le gouvernement turc, par le droit public européen et par le Saint-Siège. Cette confirmation de notre situation traditionnelle constituait, dans les circonstances où elle se produisait, un échec pour la politique triplicienne. Nos rivaux ne se tinrent pas pour définitivement battus ; durant tout le pontificat de Léon XIII, ils multiplièrent les tentatives soit pour ruiner le Protectorat français, soit pour s’en emparer ; rappelons seulement la mission du cardinal Kopp, prince-évêque de Breslau, à Rome, en 1898, le voyage et les discours de Guillaume II à Jérusalem, la croisière du prince Henri de Prusse en Chine et l’occupation de Kiao-tcheou ; nous avons déjà, ici, assez complètement exposé ces faits pour n’avoir pas à y revenir. Tant d’efforts n’aboutirent qu’aux catastrophes dont l’initiative de Mgr Anzer et l’affaire de Kiao-tcheou ont été la cause première, et à la lettre de Léon XIII, du 20 août 1898, au cardinal Langénieux, archevêque de Reims, qu’obtint la diplomatie de M. Delcassé et qui constituait une confirmation nouvelle de nos droits et privilèges. Peu de mois avant la mort de Léon XIII, le cardinal Ferrari, archevêque de Milan, ayant conduit en Terre-Sainte un grand pèlerinage national italien et toléré en sa présence, sinon encouragé, des manifestations peu sympathiques au Protectorat français, se vit formellement désapprouvé par le cardinal Rampolla.

Mais bientôt les événemens vont changer d’aspect et la politique italienne de procédés. Elle avait été, au dehors, et surtout dans le Levant, laïque et anti-française ; on la voit, tout d’un coup, devenir plus catholique, plus papaline même, à mesure qu’en France se développe la politique anticléricale qui aboutit successivement à la loi contre les congrégations, à la rupture diplomatique avec le Saint-Siège et à la séparation de