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seulement la magie des grands souvenirs, c’est aussi la réalité pratique d’intérêts permanens qui entraîne les Italiens à chercher des débouchés commerciaux et à développer leur influence dans cet Orient qui paraissait aux hommes de l’antiquité et du moyen âge comme la source enchantée d’où coulait toute richesse.

Les progrès du commerce et de la navigation italienne dans le Levant sont, toutes proportions gardées, comparables à ceux de l’Allemagne. Le développement rapide qu’a pris l’industrie dans le nord de l’Italie a été la cause déterminante de son expansion commerciale ; la croissance de Gênes, la renaissance de Venise sont surtout des conséquences du grand effort qui a transformé les belles plaines lombardes en un pays manufacturier. Dans ces dix dernières années, l’Italie a doublé son commerce ; son chiffre d’affaires dépasse quatre milliards. Il était naturel que la surproduction industrielle, dans un pays pauvre où la consommation est restreinte, se traduisît par un grand mouvement d’exportation et que l’Italie cherchât un débouché à sa porte, dans le Levant. En dix ans, ses importations dans l’Empire ottoman ont triplé ; elle est au quatrième rang des pays fournisseurs de la Turquie, avant la France. Nous ne faisons que garder nos positions, elle ne cesse de gagner du terrain[1].

L’Italie vend principalement en Turquie des filés et des tissus de coton, de la bonneterie, des rubans, de la passementerie, des soieries, du corail, des farines, c’est-à-dire précisément les mêmes articles que la France peut fournir ; elle achète, comme la France, des cocons, des soies grèges, des déchets de soie, des chevaux, des fromages, du coton brut, des graines, fruits et légumes, etc. Une banque italienne, la Società commerciale d’Oriente, dont le siège est à Venise, vient de s’établir à Constantinople. Enfin, nous avons vu que le chiffre actuel du tonnage de la navigation italienne dans les ports de l’Empire ottoman est sensiblement le même que le chiffre français : 3 626 000 tonnes pour l’année 1321. Les lignes partant de Venise, de Gênes, de Naples, font aux marines des autres pays une concurrence

  1. COMMERCE ITALO-TURC EN 1904


    Date Importations d’Italie en Turquie Exportations de Turquie en Italie
    1900 37 160 000 lire 27 146 000 lire
    1901 54 159 000 31 258 000
    1902 49 852 000 35 322 000
    1903 56 439 000 45 865 000
    1904 69 578 000 39 567 000