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que le Régent, dès l’année 1819, interdit au Duc de paraître dans sa maison et en sa présence : décision qui acheva de le coucher dans son cercueil. Beaucoup de ces détails sont tout à faits inconnus de Victoria, ou oubliés d’elle. Cependant il n’est que juste de ne point oublier ceux qui étaient ses amis avant 1837. Après cette date, il y eut une violente explosion d’affection parmi des gens qui, au cours de 1836, ne voulaient pas encore approcher Victoria. C’est en octobre 1836, le jour où il s’assit près d’elle à dîner, que Palmerston lui-même vit pour la première fois Victoria de près. Vous avez les meilleurs moyens de le savoir : le Roi n’a pas même rêvé d’en appeler à Victoria.

Quant au péril, il fut très grand en septembre, lors de l’émeute ouvrière. Car à Paris la populace tire tout de suite, chose que, — Dieu merci ! — la foule anglaise fait rarement. Vers la fin d’octobre, quand Thiers se retira, la révolution était possible, et c’est seulement la crainte des gens aisés qui les (sic) maintint d’accord et les attira vers Guizot.

Une révolution, à la fois démocratique et belliqueuse, ne pourrait que devenir très dangereuse. On jouait ce jeu-là, et seul un heureux et fortuné concours de circonstances a évité ce malheur. Le Roi et ma pauvre belle-mère furent terriblement découragés dans ces deux occasions, et je confesse que j’attendais chaque jour les nouvelles avec la plus grande anxiété. Si le pauvre Roi avait été assassiné, ou même s’il l’était maintenant, quels dangers, quelle confusion suivraient ! Palmerston a accueilli toutes ces considérations avec la nonchalante déclaration : « Ce n’était pas vrai ; ce n’est pas vrai. » Ce sont là des assertions absolument sans fondement, sans aucune valeur. J’ai pu, pour le moins, apprécier le péril aussi bien que lui et Bulwer ; et assurément, ce fut une crise angoissante. J’ai bien le droit de trouver que la Révolution de 1790 et ce qui s’en est suivi a fait pas mal de ravages en Europe. Courir le risque d’une nouvelle opération de même genre serait réellement scandaleux.

Quel pourra être le fruit de ce qu’a semé Palmerston, nous ne le savons pas le moins du monde. La moisson cependant pourrait bien être riche en malheurs pour l’avenir des innocens. Les affaires d’Orient ne recevront de solution intelligible que lorsque, après ces différends avec Méhémet-Ali, on fera quelque chose pour la pauvre Porte, qui a maintenant bien besoin d’être réparée. Sinon, il reste une petite place appelée Sébastopol,