Château de Windsor, 16 octobre 1840.
Mon très cher oncle,
J’ai reçu votre bonne, mais anxieuse lettre, et j’ai hâte d’y répondre par le courrier qui part aujourd’hui. J’ai travaillé dur, la semaine dernière, pour faire œuvre de conciliation : j’espère, je crois, que j’ai réussi. Lord Melbourne, qui quitta Claremont le même jour que vous, fut retenu chez lui jusqu’à hier, jusqu’à son arrivée ici, par un lombago et une crise de bile ; mais je correspondais régulièrement avec lui au sujet de cette malheureuse et alarmante question. Il est, je puis vous l’assurer, pleinement au courant du danger et aussi anxieux que nous le sommes, d’arranger cette affaire. Lord John partage ces sentimens ; et Palmerston, j’espère, devient plus raisonnable. A la suite des deux dépêches de Thiers, on décida que Palmerston écrirait à lord Ponsonby de presser la Porte de ne pas dépouiller définitivement Méhémet-Ali de l’Egypte, et je crois que les autres ministres étrangers à Constantinople recevront les mêmes instructions. Cette dépêche, que lord Palmerston enverra à Granville (ce soir, je crois), sera communiquée à Thiers, et j’ai fait promettre à Palmerston de mettre dans la dépêche à Granville, « qu’on serait satisfait en Angleterre, si cet incident décidait la France à revenir à cette alliance (avec les quatre autres puissances), à laquelle nous l’avions vue renoncer avec tant de regret. » J’espère que cela produira un bon effet. Maintenant, à mon humble avis (mais je vous le dis de mon propre mouvement et sans que personne le sache), si la France, là-dessus, faisait quelque sorte d’avance et cessait ses armemens, je pense que tout serait dit. En effet, si la France fait des préparatifs, n’aurions-nous pas un peu le droit d’agir de même, et ce serait très fâcheux. Ne pourriez-vous pas suggérer cette idée au Roi et à Thiers comme venant de vous ? Je désire ardemment, sincèrement, que l’amitié et la concorde réapparaissent, je puis vous l’assurer. Je trouve que notre enfant devrait avoir, en plus de ses autres noms, ceux de Turco-Égypto, car nous ne pensons à rien d’autre ! J’ai eu une longue conversation avec Palmerston mer-’ credi, et aussi avec J. Russell…