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nous avons dernièrement nommé un laïque à un poste occupé autrefois par un ecclésiastique, je puis encore le faire à l’occasion ; mais, si petits que nous soyons, nous ne pouvons céder à la pression étrangère, et ce pays doit être administré par des hommes d’Eglise. Pour ma part, j’accomplirai mon devoir suivant ma conscience, et si les gouvernemens aussi bien que les événemens se prononcent contre moi, ils ne me feront pas céder. J’irai aux Catacombes avec les fidèles, comme le firent les chrétiens aux premiers siècles, et nous attendrons là la volonté de l’Etre Suprême, car je ne redoute aucune puissance sur terre, je ne crains que Dieu.

— Mais, Saint-Père, dis-je, vous parlez comme si Rome était menacée d’un grand danger : y a-t-il donc des causes réelles, à votre appréhension ?

— Ne savez-vous pas, répondit Sa Sainteté, qu’une grande agitation règne dans toute l’Italie ? La situation de la Lombardie est déplorable. De mauvais esprits travaillent même en mes États, et le dernier discours du roi de Sardaigne est bien fait pour enflammer l’esprit de tous les révolutionnaires de l’Italie. Il est vrai qu’il dit également qu’il respectera les traités existans, mais cela contre-balancera difficilement l’effet produit par les autres parties de son allocution. Il m’est aussi parvenu la nouvelle que le roi de Naples avait accordé une large amnistie, — il n’a pas cédé à la pression étrangère et il a eu raison, — mais maintenant, à l’occasion du mariage de son fils, un acte de clémence de sa part est de bonne politique.

— Est-ce vrai, repris-je, que les prisonniers politiques sont compris dans cette amnistie ?

— Oui, me répondit Sa Sainteté, j’ai vu le nom de Settembrini et aussi celui de la personne à laquelle votre gouvernement a pris un si vif intérêt, et dont le nom commence par un P, si je me souviens bien.

— Poerio, suggérai-je.

— C’est, en effet, ce nom, continua le Pape, et je suppose que les autres prisonniers politiques seront relâchés ; ils seront envoyés à Cadix aux frais du Roi, ils y recevront quelque argent, je crois. Il est convenu avec le ministre des États-Unis qu’ils seront transportés là-bas, où ils seront exilés à vie. J’espère que cet événement aura pour résultat d’amener votre gouvernement et celui de la France à renouer des relations diplomatiques