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Comme je l’ai déjà dit, les paroles qui tombent de ses lèvres sont toujours le résultat de profondes réflexions et constituent une partie des plans qu’il a conçus lui-même et qu’il entend mettre à exécution. Par conséquent, je serais disposée à attacher une grande importance aux quelques mots qu’il a prononcés immédiatement après l’investiture de l’ordre de la Jarretière : « C’est un lien de plus entre nous, j’ai prêté serment de fidélité à Votre Majesté et je le garderai soigneusement. C’est un grand événement pour moi, et j’espère pouvoir prouver ma reconnaissance envers Votre Majesté et son pays[1]. » Dans une lettre que, dit-on, il a envoyée à M. F. Campbell, le traducteur de l’Histoire du Consulat et de l’Empire de M. Thiers, en retournant les épreuves dans le courant de 1847, il aurait écrit : « Espérons que le jour viendra où je pourrai réaliser les intentions de mon oncle en unissant les intérêts et la politique de la France par une alliance indissoluble. Cet espoir me soutient et m’encourage. Il m’empêche de me plaindre des revers de fortune subis par ma famille. »

Si ce sont là réellement ses paroles, il est certain qu’il agit conformément à elles depuis qu’avec une main de fer, il dirige les destinées des Français, le plus versatile des peuples. Le fait d’avoir écrit ces lignes au moment où Louis-Philippe avait réalisé tous ses désirs et paraissait plus sûr que jamais de conserver le trône de France, témoigne d’une confiance tranquille dans son destin, et dans la réalisation d’espoirs entretenus dès son enfance, qui confine au surnaturel.

Telles sont quelques-unes des réflexions qui nous ont été suggérées par l’observation et la connaissance du caractère de cet homme très extraordinaire, au sort duquel sont intimement liés non seulement les intérêts de notre pays, mais encore ceux de toute l’Europe. Je suis curieuse de savoir si le temps confirmera la justesse de mon opinion et de mon jugement.


La reine Victoria au roi des Belges.


Saint-Cloud, 23 août 1855.

Mon très cher oncle,

Je n’ai pas l’intention de vous envoyer une description ni rien qui y ressemble… Je ne veux que vous donner en quelques mots mon impression.

  1. En français dans le texte. (N. d. t.)