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instructions, Turgot lui a fait part de l’opinion de lord Palmerston. Sur ce, lord John demande à Palmerston de lui donner des explications ; celui-ci attend une semaine pour envoyer une réponse, mais elle est si peu satisfaisante que lord John Russell lui écrit qu’il ne saurait demeurer plus longtemps secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères : ces désaccords, ces incorrections constantes nuisaient au pays. Lord Palmerston lui a répondu immédiatement que, sitôt que son successeur serait nommé, il rendrait les sceaux ! Quoique nous fussions tous certains qu’il ne pouvait plus occuper longtemps encore son poste, nous avons cependant été surpris quand nous avons appris le dénouement !… Je crois que lord Granville fera très bien ; il est extrêmement honnête et digne de confiance, ce qui est inappréciable pour nous, le gouvernement et l’Europe.


La reine Victoria au roi des Belges.


Château de Windsor, 30 décembre 1851.

Mon très cher oncle,

… Tout ce que vous dites de lord Palmerston n’est que trop vrai… Il nous a brouillés, nous et le pays, avec tout le monde ; et son premier acte fut de précipiter les mariages espagnols, ce qui a été le commencement de la fin. Il est trop pénible de penser combien de malheurs et de fautes auraient pu être évités. Maintenant, cependant, il en a fini à tout jamais avec les Affaires étrangères, et l’ « homme d’Etat blanchi sous le harnais, » comme l’appellent les journaux, à notre grande joie et, j’en suis sûre, à son grand déplaisir, devra se reposer sur ses lauriers… Je crains beaucoup qu’à Claremont on ne commette quelque imprudence : la pauvre Reine a insinué l’autre jour à maman qu’elle espérait que vous ne deviendriez pas l’ami du Président. Sans aucun doute vous ne pouvez éprouver de la sympathie pour lui, mais, précisément parce que vous êtes apparenté avec les pauvres d’Orléans, vous devez veiller doublement à ne rien faire qui puisse vous attirer l’inimitié de Louis-Napoléon. Je crois que Joinville avait eu la folle idée d’aller en France et que sa maladie, fort heureusement, l’a empêché de mettre son projet à exécution. C’eût été le comble de l’aberration. La seule, politique qui soit sûre pour eux est de rester absolument neutres et de se faire