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rendu plus facile et le travail délivré de l’usure. Si les théories qu’il défend sont excellentes, le moyen dont il voudrait faire le levier puissant du progrès économique pour la France est un moyen inefficace et peu proportionné au but vers lequel il tend. Cette opération fut d’ailleurs le commencement de sa ruine.

Les États n’ont pas précisément pour fonction d’organiser le crédit en faisant des emprunts. Rationnellement, ils ne devraient recourir à ce moyen facile, mais si dangereux de se procurer des capitaux, qu’en vue de les employer à des travaux utiles ou de les consacrer dans les limites nécessaires à la défense du pays. En tout cas, l’amortissement s’offre comme le frein indispensable, quand on a la force de le mettre en pratique, contre les abus des emprunts. Laffitte, en tant que député ou ministre, a toujours défendu cette opération dont on a, un temps, exagéré, à un degré inouï, la bienfaisante influence. Il paraît avoir modifié ses idées à cet égard lorsqu’il eut quitté la vie publique. L’influence des Saint-Simoniens s’est fait sentir en cette circonstance sur son esprit. Ceux-ci l’avaient attaqué très vivement à l’occasion d’un discours prononcé par lui en qualité de ministre des Finances sur la question de l’impôt et de l’emprunt, lors de son passage au pouvoir. Ce point fort intéressant mérite que l’on s’y arrête un peu.


V

Laffitte, dans ce discours, avait fait remarquer qu’envisagé d’un point de vue particulier, l’emprunt présentait sur l’impôt l’avantage de n’obliger personne à se démunir. Le capitaliste, on offrant ses fonds à l’État, agit de bonne grâce, guidé par son intérêt, puisqu’il espère y trouver profit. Par l’impôt, au contraire, le contribuable se trouve forcé de verser à l’État des capitaux dont il aurait fait un emploi beaucoup plus productif s’il les eût gardés. Enfantin, en partant de l’observation présentée par Laffitte, le critiqua vivement, dans le Globe. Il lui reprocha de ne pas demeurer dans la logique, en se déclarant encore, après ces prémisses, partisan de l’amortissement. Cinq articles parurent dans le Globe[1]. Enfantin en était l’auteur, exception faite pour

  1. Ces articles furent publiés dans les n" du 23 novembre, des 1er, 12, 21 et 27 décembre 1830. On en fit, en 1832, une brochure qui fut éditée par le Globe sous ce titre : Religion saint-simonienne, économie politique.