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transactions commerciales et le développement de l’industrie. Cette indemnité n’eût pas été employée, selon toutes probabilités, dans l’industrie ou le commerce, et dès lors, il ne restait plus que l’argument de l’influence exercée sur le taux de l’intérêt dans les régions à capitaux rares, par la conversion. Nous venons de voir qu’il était très discutable.

Laffitte se défend d’avoir été conduit à entrer dans la Compagnie par le seul souci de ses intérêts et des bénéfices à réaliser. Il faut assurément croire à ses protestations de désintéressement. Le profit, donné par Villèle aux membres de la Compagnie, et dont le total s’élevait à 15 millions, représentant l’intérêt à 1 pour 100 de 2 milliards 800 millions pendant quinze mois, n’était point aussi considérable qu’il paraissait à première vue, eu égard aux risques très réels courus par les intermédiaires. Ceux-ci étaient au nombre de 130 à 150. Il aurait fallu diviser la somme de 35 millions entre eux tous. Chacun aurait reçu, en moyenne, de 230 000 à 270 000 francs, sommes insuffisantes pour compenser tant de hasards. Restaient les chances de gains sur la spéculation ; nous venons de voir qu’elle n’était guère possible, étant donné les conditions de la conversion. Et il n’y avait pas à s’y tromper. Ouvrard, dont on ne saurait suspecter la hardiesse et même la témérité parfois, en affaires, appelle cette opération « un désastreux projet. » La spéculation n’apparaissait pas à Laffitte non plus comme un moyen de réaliser un gain. Suivant ses propres déclarations, il ne jouait point à la Bourse. Il le dit dans sa brochure : « En rapport, par ma profession, avec toutes les professions ; sachant mieux ce qui se passe dans les fabriques et les ateliers que ce qui se passe à la Bourse dont je ne me mêle jamais, j’ai pu juger, de mes yeux, ce que pouvait le travail libre dans son action tranquille et dans ses jouissances[1]. »

Les autres associés et surtout Baring avaient certainement un but plus étroitement professionnel en prenant part à la conversion. Et c’est là où l’ingénuité de Laffitte se montre entière. Banquier avisé, quand il se trouve en face des opérations courantes de la Banque commerciale, il perd pied, n’est plus en complet contact avec les réalités, lorsqu’il envisage des problèmes plus vastes et poursuit des idées de rénovation par le crédit

  1. Réflexions sur la réduction de la rente, etc.