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IV

C’est pour expliquer sa conduite, en cette circonstance, que Laffitte écrivit sa brochure sur la réduction de la rente. Non seulement il s’était déclaré partisan de l’opération, mais encore il avait fait partie de la Compagnie chargée de la faire réussir, et il se trouvait, sur cette question, en opposition complète avec ses amis et ses coreligionnaires politiques. Nous avons dit comment il envisagea le problème. Il croyait, en réduisant la rente, arriver mécaniquement à réduire le taux de l’intérêt dans les régions du pays où se pratiquaient de gros taux usuraires. Il pensait faire refluer vers ces marchés isolés, livrés à la tyrannie financière des capitalistes locaux, les fonds que n’attirerait plus l’appât du gros intérêt de 5 pour 100. Il partait du principe que la conversion était possible et devait réussir sans aucun accroc. Il répète continuellement que le taux des escomptes en banque étant de 3 et demi à 4 pour 100, l’Etat ne doit pas payer à ses créanciers plus que les industriels et les commerçans aux leurs. Le raisonnement est spécieux ; il repose sur ce postulat, admis par Laffitte, que l’Etat français, à ce moment-là, présentait pour les capitalistes les garanties les plus sûres. Il vante l’avantage des rentes, la facilité de leur négociation, l’absence de tout risque. Il oublie que, s’il n’y a pas de cloison étanche entre les compartimens ou genres d’emplois vers lesquels se dirigent les capitaux, il y a cependant des différences marquées par la nature des opérations et leurs risques. Les capitalistes dirigeaient vers les banques, vers le crédit commercial beaucoup de fonds parce que les affaires s’accroissaient et qu’une sorte de renaissance économique se faisait sentir après d’aussi longues années de guerres et de crises. Le crédit de l’Etat, certes, s’était amélioré aussi, mais non pas au point qu’on pût rogner aux rentiers un plein cinquième de leurs revenus. On savait, du reste, quelle était l’arrière-pensée de Villèle. L’économie réalisée par la conversion n’était que le prélude d’une opération destinée à trouver le moyen de payer l’indemnité promise aux émigrés. Ce n’était pas là un emploi reproductif des capitaux et tel que le présente Laffitte lorsqu’il parle d’améliorer les voies de communication et de doter le pays de travaux destinés à faciliter les