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se place au point de vue d’une conversion proprement dite, faite suivant les règles étroites du droit et de l’équité ; car on n’avait subi jusque-là que des réductions arbitraires et spoliatrices, et elles avaient trop fréquemment frappé les rentiers pour que le souvenir n’en fût pas encore très cuisant.

La « Compagnie » de banquiers intermédiaires, — on dirait aujourd’hui le « syndicat, » — était représentée par trois groupes principaux de maisons, à la tête desquels se trouvaient MM. Baring, Rothschild et Laffitte ; un quatrième groupe se serait joint aux trois premiers sous la direction de M. Sartoris. Cette Compagnie, pour continuer à employer le terme usité alors, comprenait 120 ou 150 maisons. Elle garantissait l’emprunt, c’est-à-dire était prête à rembourser les rentiers qui exigeraient le paiement de leur capital ; elle prenait donc naturellement leur place et par conséquent acceptait les charges de la combinaison proposée. Une fois cette convention arrêtée entre la Compagnie et Villèle, on se mit à préparer le terrain. Le 5 pour 100 monta assez rapidement jusqu’au pair, le dépassa, et atteignit 104 fr. 80. Ce n’était pas une hausse normale. C’est à ce moment que Villèle fit connaître le mécanisme de sa conversion. Voici sommairement en quoi il consistait. L’Etat offrait aux rentiers le remboursement au pair, soit 100 francs par 5 francs de rentes, ou l’échange de leur titre contre un autre titre du taux de 3 pour 100 nominal qui leur était délivré au prix de 75 francs. Ainsi, un rentier, par exemple, possesseur de 15 francs de rente, pouvait, ou exiger de l’Etat 300 francs, ou prendre, en compensation de cette somme, quatre fois 3 francs de rente au prix de 75 francs, c’est-à-dire qu’il ne devait plus toucher que 12 francs de rentes pour le même capital réel. Il perdait donc 1 pour 100 sur l’intérêt ; mais on lui offrait l’avantage d’une augmentation du capital nominal, le capital nominal de son nouveau titre s’élevant à 400 francs. En effet, les 3 francs de rente étant vendus 75 francs, il restait 25 francs de marge pour atteindre le pair, soit 25 pour 100. La conversion devait porter sur un capital de 2 800 millions. La Compagnie, en paiement de son intervention, devait toucher l’intérêt à 1 pour 100 de ce capital pendant quinze mois, c’est-à-dire la somme de 35 millions.

Il n’est pas besoin d’y regarder de très près pour voir combien cette conversion était aléatoire. Tout d’abord, la réduction de 1 pour 100 opérée sur le taux réel de la rente ne se trouvait