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de gouverneur. On se plaignit à Louis. On lui fit remarquer l’inconvénient de faire diriger la Banque par un gouverneur qui possédait lui-même un établissement de crédit. Le ministre des Finances répondit à toutes ces doléances, en déclarant qu’il partageait, en principe, l’avis de ses interlocuteurs, mais qu’il ne pouvait s’entretenir des affaires de la Banque avec tout le Conseil général et qu’il était plus simple et plus profitable de causer avec l’un d’eux et particulièrement avec Laffitte, qu’il connaissait depuis longtemps. Ces préventions se dissipèrent peu à peu. Laffitte n’accepta la fonction de gouverneur qu’à la condition de ne toucher aucun traitement ; il déclara ne pas tenir au titre lui-même et s’abstint de jouir des prérogatives qui y étaient attachées, se contentant de présider le Conseil général. Il avait lui-même, sous l’Empire, demandé l’abrogation de la loi du 22 avril 1806 instituant le gouvernement de la Banque, et le retour à la loi du 21 germinal an XI. Ses ennemis reprirent le projet et le firent voter par la Chambre des pairs. Mais bientôt il n’en fut plus question. Ces premières difficultés résolues, les relations de Laffitte et des régens se resserrèrent de plus en plus, comme le prouve le témoignage particulier que lui donnèrent ses collègues lorsque, dans les premiers mois de 1820, il quitta sa fonction de gouverneur. On sait à quelle occasion. Député, Laffitte avait gardé son indépendance et combattu la loi contre la presse. Et c’est lors de son départ de la Banque que les régens lui volèrent des remerciemens pour le talent, le zèle et le « désintéressement » qu’il avait déployés dans l’administration de cet établissement. On sait que Gaudin le remplaça dans cette fonction.

Sa générosité ne se manifestait pas seulement à l’égard des princes ou des gouvernemens dans l’embarras. Il obligea de nombreuses personnes appartenant à toutes les classes de la société, et surtout beaucoup de gens de lettres. Ce n’est que plus tard que cette clientèle s’accrut d’hommes politiques. Comme on le pense, il n’arriva, par ce moyen, qu’à augmenter le nombre des envieux et à se faire des ennemis. L’ingratitude n’a point de parti. Aussi bien, Laffitte avait-il la psychologie assez courte, à cette époque, et la bienveillance aveugle. Il exerça celle-ci de façon fort discrète, quoi qu’en aient dit ceux dont la discrétion, en ces matières, allait prudemment jusqu’à l’abstention. cette première période de la vie de Laffitte est particulièrement calme.