Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/168

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réel progrès. Ce mouvement de recherches n’était pas spécial à la France. En Angleterre, Watt apportait à la rudimentaire machine à vapeur, dont on faisait un rare usage à la fin du XVIIIe siècle, un perfectionnement décisif et qui devait en faire le moteur par excellence de l’industrie nouvelle. Fulton imaginait d’appliquer ce moteur à la navigation et recommençait, dans son pays, aux Etats-Unis, les expériences tentées à Paris et que la commission chargée de les suivre avait, avec une légèreté inconcevable, trop facilement dédaignées. Comme moteur fixe et comme moteur de locomotion, la machine à vapeur allait être l’élément de puissance le plus considérable de l’industrie et du commerce modernes. Mais la machine à vapeur exigeant, pour être utilisée économiquement, une production intense, une concentration des entreprises, il était indispensable de grouper des capitaux, d’en provoquer la création et d’ouvrir au crédit et aux affaires de nouvelles voies.

Ainsi, en même temps que la Révolution politique dont l’orage passait sur la France, une autre révolution, latente celle-là et continue, s’effectuait presque sans bruit dans les sciences et surtout dans leurs applications à l’industrie. On ne put guère user de ces élémens chez nous qu’au l’établissement de la paix, vers les premières années de la Restauration. Cependant, les hommes d’affaires perspicaces entrevoyaient déjà, depuis le commencement du siècle, le nouvel avenir économique. Les banquiers, fournisseurs habituels de crédit et de capitaux, avaient à prendre part à ce mouvement et à en assurer le développement régulier. La fonction du banquier est, en effet, dans la production économique, une fonction essentiellement régulatrice. Intermédiaire entre les capitalistes, d’un côté, et les chefs d’entreprises industrielles ou commerciales de l’autre, il ne borne pas étroitement son activité à ce rôle matériel d’emprunteur et de préteur de capitaux. Le crédit est une sorte de marchandise subtile qui se pèse au poids de l’esprit d’observation, de prévision et de sagesse Le banquier a pour fonction d’opérer ces délicates pesées. Il voit de plus haut et plus loin que ses cliens, placé qu’il est comme une sorte de sentinelle vigilante au carrefour des affaires, d’où il peut les apprécier dans leur ensemble et les juger dans leur marche. Il est donc bien, dans certaines limites, le régulateur naturel du crédit. Il le dispense, en effet, ou le restreint, selon l’appréciation qu’il porte sur les entreprises pour lesquelles on