Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/167

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

après avoir examiné un jour les états de situation de sa banque, prévint son commis qu’il avait découvert une erreur. Celui-ci se mit aussitôt à la chercher. Après avoir vérifié toutes les balances des comptes, il ne la trouva pas. Fort de cette minutieuse vérification, il affirma nettement à Perregaux que la situation était exacte. C’est alors que celui-ci lui aurait dit : « Vous vous trompez, vous portez à mon débit 3 000 francs pour vos appointemens ; c’est 10 000 qu’il faut mettre. Réparez sur-le-champ cette erreur. » Il fut ensuite intéressé dans les affaires de la maison et devint l’associé de son patron. En réalité, il le remplaça bientôt dans la direction de la banque, surtout à partir du moment où Perregaux entra au Sénat impérial. Laffitte donna aux affaires une vive impulsion. Les résultats furent heureux ; les bénéfices s’étendirent et devinrent bientôt les premiers élémens d’une grosse fortune pour le jeune financier. Le rôle joué par le banquier Perregaux dans la carrière de Laffitte est assurément fort important. Il y a, dans la vie des hommes qui s’élèvent par la fortune, ou le talent, au-dessus de leurs contemporains, une part plus ou moins considérable de chance, et c’en fut une pour Laffitte de rencontrer un patron capable de le comprendre, et assez élevé d’esprit pour donner à son commis la place qu’il méritait. Tout en l’aidant, il servait ses propres intérêts. Il sentait aussi probablement qu’à une situation nouvelle il fallait des hommes nouveaux et, sans se désintéresser des opérations de sa banque, il laissa son associé assez libre de ses mouvemens.


II

Malgré les guerres presque continues qui troublèrent la paix de l’Europe pendant les premières années du XIXe siècle, l’industrie, à la suite d’une abondance et d’une variété d’investigations scientifiques inconnues jusque-là, entrait désormais dans une voie nouvelle. Berthollet, Vauquelin, Chaptal, Thénard travaillaient dans leurs laboratoires à préparer le merveilleux essor des industries chimiques, pendant que Vaucanson, Jacquart, les Montgolfier et d’autres encore dotaient la France de leurs inventions. Plusieurs expositions eurent lieu à Paris sous le premier Empire, et chacune d’elles, en dépit des obstacles, marquait un