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luxe, les livres et les bijoux ! Le fond du tableau reproduit avec exactitude la façade de San Bernardino qui venait d’être achevée. La plupart des personnages sont des portraits. L’œuvre de Fiorenzo di Lorenzo est plus exempte encore de tout mysticisme et, chose extrêmement curieuse pour l’époque, cet artiste fut beaucoup plus préoccupé de peindre la vie extérieure que des scènes de piété. L’élégance et le mouvement sont ses principales recherches et, bien plus que du Pérugin, c’est de Ghirlandajo et même de Verrochio qu’il se rapproche. Plastique des figures et des corps, coloris des étoffes, animation des scènes, tout cela est porté à un haut degré de perfection dans chacun de ces huit petits panneaux destinés à une porte de sacristie, — et qui sont bien l’une des œuvres les plus délicieuses que je sache. Tout y est vivant, nerveux et spirituel. Quelle légèreté, quelle souplesse presque féline chez ces jeunes guerriers ! Quelle grâce et quelle fantaisie dans ces perspectives de paysages, dans ces constructions architecturales ! Quelle richesse et quelle variété dans les vêtemens couverts de pierreries et brodés d’or qui font songer aux richesses de Crivelli !

Telles étaient les tendances de cette école de Pérouse qu’il ne faut pas appeler ombrienne, car ce terme trop vaste ne permet plus de distinguer entre ces peintres et d’autres artistes qui, quoique nés en Ombrie, se rattachent soit à Sienne, comme Gentile da Fabriano, soit à Florence, comme Piero della Francesca ou Signorelli. Malheureusement, le Pérugin arrêta le mouvement réaliste qui se dessinait. Mieux doué, connaissant mieux la technique des procédés à l’huile, il obtint le plus grand succès avec des tableaux doucereux et mystiques où la perfection matérielle était poussée à l’extrême. L’amour de l’argent, auquel il sacrifia tout, le décida à les recommencer indéfiniment. Parmi les artistes qui se sont ravalés au métier, son exemple est le plus lamentable. Son atelier devint une fabrique d’imageries religieuses. L’Ombrie fut inondée de ses productions mercantiles, ouvrages de pratique courante, exécutés de mémoire et d’après les formules chères au public. Quand il fit autre chose que de se répéter, — soit dans les œuvres où il mit quelque orgueil, soit dans des portraits comme ceux du Cambio et de la sacristie de San Pietro, — c’est vraiment un très grand peintre. Fut-il toujours incrédule ou d’abord croyant ? La question, souvent débattue, importe peu. Il est cependant intéressant de noter