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conflit, et en stipulant des mesures de garantie dans les zones interposées, elle empêche de prendre toutes mesures militaires qui pourraient être interprétées comme preuves d’un état de tension, ou qui pourraient faire naître cet état. Par ces mesures préventives, elle assure l’avenir. La convention anglo-russe, c’est la paix de l’Asie.

Et c’est aussi une garantie de plus pour la paix de l’Europe. Après la guerre russo-japonaise, la Russie a dû se recueillir partout. Ses moyens d’action étaient provisoirement diminués : avant qu’ils fussent reconstitués, elle était tenue à une grande réserve. La convention anglo-russe aura comme premier résultat de lui permettre de diminuer ses gros effectifs du Turkestan et de la Transcaspienne et de les reporter plus à proximité de l’Europe. La politique d’extension en Extrême-Orient étant abandonnée, elle pourra ainsi ramener son attention plus près de chez elle. De son côté, la situation militaire de l’Angleterre se trouvera allégée dans l’Inde. Du même coup, elle pourra diminuer l’effectif de ses troupes dans l’Inde et consacrer toute son attention à la solution des problèmes que la situation intérieure de ce pays soulève actuellement. Enfin la sécurité assurée de ses frontières indiennes lui donne une plus grande liberté d’action en Europe.

L’augmentation de sa puissance militaire et l’augmentation de celle de la Russie contribueront au maintien de la paix générale. Le nouvel anneau scellé dans la chaîne des ententes européennes n’est pas non plus inutile à l’intérêt français. Il fait cesser l’anomalie d’une France alliée d’une puissance et amie d’une autre, qui avaient toutes deux des intérêts opposés et contradictoires. Désormais, appuyée à la fois sur l’alliance de la Russie et sur l’amitié de l’Angleterre, dont les vieilles querelles sont liquidées, la France aura en Europe une autorité morale qui pourra lui épargner bien des crises : elle sera mieux à même de faire apprécier les sentimens pacifiques et amicaux qui l’animent et qu’elle désire voir devenir universels.


ROUIRE.