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Au point de vue de la nature des relations futures anglo-russes et de la répartition des zones d’influence en Asie Centrale, la valeur et la signification du traité ressortent des données que nous avons exposées précédemment sur la situation territoriale et économique acquise, et sur les déclarations et engagemens antérieurs des deux gouvernemens. Les clauses qu’il contient doivent être rapprochées des faits principaux de l’histoire de la rivalité de l’Angleterre et de la Russie en Asie.

Tout d’abord, les premières réflexions que le traité du 30 août inspire, en ce qui touche le Thibet et l’Afghanistan, c’est que les parties contractantes se sont mises d’accord pour maintenir les deux pays fermés aux étrangers, régime d’autant plus facile à appliquer qu’il répond aux habitudes et aux désirs aussi bien du gouvernement de Lhassa que de celui de Caboul. Toutefois, si la Russie stipule que l’Angleterre ne pourra porter aucune atteinte à l’indépendance administrative et à l’intégrité territoriale de l’Afghanistan, elle reconnaît l’existence d’une sorte de protectorat diplomatique anglais sur ce pays, puisqu’elle s’engage à ne communiquer avec lui que par l’intermédiaire du gouvernement britannique. Au Thibet, au contraire, les deux parties contractantes se mettent exactement sur le même pied. Elles s’effacent toutes deux devant le protectorat chinois, renoncent à entretenir des agens à Lhassa, déclarent même qu’elles ne demanderont aucune concession d’aucune espèce pour leurs nationaux, et, si tout au plus les rapports commerciaux anglo-thibétains sont maintenus par le traité, c’est qu’on ne pouvait évidemment faire disparaître la situation géographique qui met l’Inde anglaise beaucoup plus à portée du Thibet habité que le Turkestan russe.

L’Afghanistan et le Thibet continueront donc, de par le traité du 30 août, à mener une vie recluse. Il n’en pouvait être de même pour la Perse, pénétrée déjà par le commerce anglais et le commerce russe, et où des banques anglaises et russes, soutenues par la politique de leur pays, se faisaient concurrence et entretenaient une rivalité active, complexe, comme l’est une vie déjà assez développée. La Russie et l’Angleterre divisent la Perse en deux zones d’influence, l’une russe et l’autre anglaise séparées par une zone neutre, y assurent par des stipulations particulières les garanties des Banques dont elles ont suscité la création, et y prévoient l’établissement d’un condominium financier.