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l’expansion russe et de l’expansion anglaise en Asie centrale et la situation respective des deux parties en présence, au moment où a été signé l’accord anglo-russe. Ces détails sont indispensables à connaître pour être à même de se faire une appréciation exacte de la signification et de la portée de cet accord.


I. — LES RIVALITÉS ANGLAISE ET RUSSE EN ASIE CENTRALE AU COURS DU XIXe SIÈCLE

Bien avant que leurs frontières fussent devenues limitrophes du Thibet, de la Perse et de l’Afghanistan, les Anglais, établis dans l’Inde, avaient été amenés à entrer en rapport avec ces pays. Dès la fin du XVIIIe siècle, et alors que leurs possessions étaient limitées au Bengale, ils nouaient des relations de commerce et d’amitié avec le Thibet, à la suite de l’envoi d’une ambassade à Calcutta par le souverain de ce pays, qui priait la Compagnie des Indes de ne pas molester le roi du Népal : son territoire venait d’être envahi par les troupes anglaises. La demande ayant été accueillie favorablement, les Anglais furent en retour très en faveur à Lhassa, et considérés comme des protecteurs et des alliés : le Thibet leur fut ouvert, et rien ne s’opposait à ce que ce pays gravitât dès lors dans l’orbite d’influence de l’empire de l’Inde. Mais, abandonnant brusquement la politique d’alliance et d’amitié avec le Thibet, la Compagnie des Indes, quelques années plus tard, crut faire une affaire plus avantageuse en prenant le parti de la Chine contre ce pays. Outrés de ce manque de bonne foi, les Thibétains ne voulurent plus entendre parler des Anglais, et, pendant plus d’un siècle, leur fermèrent hermétiquement leur pays.

Les relations avec la Perse et l’Afghanistan devaient être plus suivies et plus durables. Commencées au début du XIXe siècle en vue de garantir l’Inde contre une attaque possible de Napoléon et du tsar Paul Ier, elles devaient se poursuivre, avec des vicissitudes et des péripéties diverses, tantôt dans le calme d’une paix relative, tantôt dans le trouble des guerres provoquées par la préoccupation d’assurer la sécurité de la frontière Nord-Ouest de l’Inde. Cette préoccupation a dominé, pendant tout le XIXe siècle, la politique anglo-indienne en Asie centrale. Dès l’année 1800, elle déterminait le gouvernement de l’Inde à se faire un allié du cheikh de Kowéit. Ce port devait être pris comme