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viennent d’être contées, et termine par ces vers que lui inspire son enthousiasme et qu’il écrit également dans ses registres, parmi les baptêmes, les mariages et les enterremens :


Brave Mandrin !
Que ne fais-tu rendre bon compte,
Brave Mandrin !
A tous ces maltôtiers de vin,
De sel, de tabac ; qu’ils n’ont honte
De voler pauvre, riche et comte ?
Brave Mandrin !
Quelle nation
Eût jamais fait de connaissance,
Quelle nation,
Avec gens de telle façon !
Qui, sans étude ni science,
As parcouru toute la France
Sans émotion,
Passant partout,
Dans les villes, à la campagne,
Passant partout,
Sans craindre Morlière du tout.
Ta troupe et toi as l’avantage
De faire un pays de Cocagne,
Passant partout.


Au cours de ses cinq expéditions, en une seule année, Louis Mandrin avait réalisé une fortune de 100 000 francs, qui représenteraient une somme triple aujourd’hui. Il les avait en dépôt chez le marquis de Chaumont, beau-père d’un président au Parlement de Grenoble, et chez le marquis de Saint-Séverin, qui possédait l’un des plus beaux châteaux du pays.

Les fermiers de Savoie choisissent alors Mandrin pour parrain à leurs enfans, parrainage qui leur est un honneur. Le contrebandier va danser aux noces de village et aux noces de château ; fêté d’un chacun, des dames surtout, car il est jeune, beau gars et « a la jambe bien faite. » Le 29 mars 1755, un dîner est organisé pour lui au château de Naveisy en Savoie ; fin avril, il passe plusieurs jours avec un de ses compagnons, François Saint-Pierre, qui portait dans sa troupe le titre de « major, » au château d’un autre gentilhomme savoyard, à trois lieues de Châtillon-de-Michaille.

Le docteur Passorat de la Chapelle, qui fréquentait les