Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/961

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

réalisation des réformes indispensables pour assurer dans son empire quelque sécurité aux étrangers. Rien non plus ne serait plus conforme au programme d’Algésiras, qui doit être sa loi comme elle est la nôtre, puisqu’il y a donné son adhésion et mis sa signature. Il semble bien que le Sultan en ait conscience, et il faudrait d’ailleurs pour qu’il ne l’eût pas que son esprit fût absolument fermé aux brutales leçons de choses que les événemens viennent de lui donner. La première démarche qu’il a faite en arrivant à Rabat a été de demander à voir notre ministre accrédité auprès de lui. M. Regnault. Nous ne pouvions qu’accéder à ce désir. L’occasion était bonne pour M. Regnault de remettre ses lettres de créance sans être obligé de remplir la longue formalité d’un voyage à Fez, et, au surplus, il est difficile de prévoir quand ce voyage serait devenu possible. M. Regnault est donc allé à Rabat, accompagné du général Lyautey ; il a trouvé, en y arrivant, l’amiral Philibert qui l’attendait dans la rade, et il a pu paraître devant le Sultan entouré des représentans de nos forces militaires et maritimes. Tout s’est bien passé, comme il fallait s’y attendre ; les discours prononcés de part et d’autre ont été ce qu’ils devaient être, et on peut espérer, quoique encore assez vaguement, que nous allons entrer dans une période nouvelle, où notre voix sera mieux écoutée et où, dès lors, notre action n’aura plus à se produire sous la forme qu’elle a dû prendre, malgré nous, à Oudjda et à Casablanca.

Le fait seul que M. Regnault se rendait à Rabat et y présentait ses lettres de créance à Abd-el-Aziz avait une importance considérable pour ce dernier. C’était en sa faveur une démonstration à laquelle, dans les circonstances présentes, il tenait certainement beaucoup : elle signifiait qu’en dépit de la proclamation d’un autre Sultan dans le Sud, la France le reconnaissait toujours et ne reconnaissait que lui comme souverain du Maroc. Les autres puissances feront certainement de même, ce qui lui donnera une force morale appréciable. Nous aurions pu être tentés de suivre une autre conduite, qui n’aurait pas été sans excuses, étant donnée celle que le Sultan avait lui-même tenue à notre égard, et, sans aller jusqu’à reconnaître Moulaï-Hafid, nous aurions pu rester neutres entre les deux frères jusqu’à ce que le sort eût tranché leur querelle. C’est ce que Moulaï-Hafid désirait, et ce qu’il nous faisait demander par des voies indirectes. Il y a lieu de remarquer en effet que, quelque différente que fût la situation des deux sultans, ils estimaient avoir un égal besoin de nous et se montraient prêts l’un et l’autre à nous faire des avances. On s’est demandé d’abord si Moulaï-Hafid ne proclamerait pas la guerre sainte