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de faire ce qu’il disait, et on l’accusait, à cause de cela, d’avoir mauvais caractère. N’était-il pas plus commode de donner aux hommes des mots, rien que des mots, aussi longtemps qu’ils voulaient bien s’en contenter, et ils s’en contentent longtemps ? Mais M. Goblet, lui, ne s’en contentait pas : il n’en a plus été de même avec ses successeurs.

Au moment où nous écrivons, le parti radical et radical-socialiste tient à Nancy un congrès qui paraît devoir être assez différent de celui que les socialistes y ont tenu il y a quelques semaines, avant d’aller à Stuttgart. Ce n’est pas sans intention que Nancy a été choisi comme lieu de réunion : là a eu lieu l’affirmation antipatriotique, là doit avoir bleu la protestation contraire. Car le parti radical éprouve le besoin d’en faire une : il y va de son existence électorale de déclarer très haut qu’il n’a rien de commun avec des théories néfastes, et qu’il ne veut plus avoir d’alliance proprement dite avec les hommes qui les professent. Une motion dans ce sens a été rédigée par M. Louis Bonnet, secrétaire général du parti : tout porte à croire que, soit le texte de M. Bonnet, soit un autre plus adouci, mais conçu dans le même sens, réunira une majorité considérable. Est-ce à dire que les radicaux aient éprouvé une indignation bien sincère lorsqu’ils ont vu M. Jaurès et M. Hervé partir pour Stuttgart la main dans la main ? En tout cas, ce sentiment été chez eux bien tardif. Depuis assez longtemps déjà, M. Jaurès inclinait, obliquait du côté de M. Hervé, sans que les radicaux eussent l’air de s’en apercevoir, et le congrès de Limoges avait émis les mêmes votes que celui de Nancy, un an avant ce dernier, sans qu’ils en aient manifesté alors aucune émotion. Mais il y a certaines choses déshonorantes qui le deviennent encore davantage lorsqu’on les étale aux yeux de l’étranger ; le scandale qu’elles causent est alors beaucoup plus grand ; et c’est sans doute à cette circonstance qu’est due l’explosion que les radicaux se sont crus obligés de faire.

Elle s’est produite au premier moment avec une énergie qui semblait devoir être durable. De tous les côtés de la France des voix radicales s’élevaient pour dire qu’il ne pouvait plus y avoir et qu’il n’y aurait plus aucun rapport, aucune entente, ni parlementaire, ni électorale, entre les socialistes unifiés et les radicaux. On a eu le spectacle inopiné de quelques-uns de ces derniers, et non des moindres, se tournant du côté des progressistes avec un air embarrassé, mais qui s’efforçait d’être gracieux. Toutefois, après la quasi unanimité du premier jour, quelques divergences, puis quelques dissidences se sont produites. Des hommes importans du parti radical