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M. Bocquillon, a écrit, pour le dénoncer, un livre dont M. Goblet a fait la préface : et M. Clemenceau adonné à cette préface une approbation sans réserves. Ici, il faut citer, tant le passage est curieux : « Aussitôt que le mal apparut, Goblet, de premier mouvement, prétendit y porter le fer. C’est alors qu’il écrivit une préface fameuse pour rompre hardiment en visière avec quiconque s’embarrasse de distinguo quand l’existence même de la patrie est en cause. Les lignes vengeresses qu’il écrivit de son lit de mort pour rappeler à la raison la troupe infime d’égarés qui prétendaient parler au nom de notre corps enseignant, provoquèrent le sursaut de toutes les consciences françaises. » En lisant cela, on se prend à douter de sa mémoire. Si toutes les consciences françaises, réveillées en sursaut, ont éprouvé le même sentiment à propos de la préface de M. Goblet, il faut exclure les consciences radicales du nombre des consciences françaises. Il y a eu, en effet, dans le monde radical, un tolle furieux contre M. Goblet, lorsqu’il s’est permis de signaler dans le corps enseignant le mal honteux qui commençait à le gangrener. M. Bocquillon, qui a survécu à son acte audacieux, est devenu un paria dans l’Université ; M. Goblet aurait eu le même sort si la mort ne l’avait pas mis à l’abri des excommunications et des insultes. Il faut que le mal soit bien grave pour que le chef du gouvernement vienne déclarer aujourd’hui que c’est M. Goblet, que c’est M. Bocquillon qui avaient raison. Mais, toujours fidèle à la même tactique, qui consiste à vouloir rassurer quand même, après avoir un moment inquiété, il affirme que les égarés ne constituent qu’une « troupe infime ». Cela, hélas ! n’est pas vrai, et les manifestations du Congrès des amicales qui a eu lieu récemment à Clermont-Ferrand, nous en ont apporté une preuve incontestable. Il y a pour le moins un grand trouble moral dans le personnel de notre enseignement primaire. Qu’a-t-on fait pourtant pour y remédier ? Des discours, oh ! beaucoup de discours dont quelques-uns ont été très éloquens ; mais nous attendons encore un acte. Si un instituteur, M. Nègre, a été frappé, c’est pour avoir injurié M. le président du Conseil dans une lettre qui a été rendue publique et même affichée sur les murs de Paris : quant à la propagande antimilitariste dans le corps enseignant, elle n’a été l’objet d’aucune répression directe. La grande différence entre M. Clemenceau et M. Goblet est que ce dernier écrivait lorsqu’il ne pouvait pas agir, mais aimait encore mieux agir que parler : en tout cas, il a toujours mis ses actes d’accord avec ses paroles. On le lui reprochait autrefois ; on s’étonnait qu’il se crût obligé