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Le premier des trois contrebandiers, sans répondre, saisit son pistolet, presse sur la gâchette, mais le coup rate. La sentinelle riposte et le contrebandier tombe de cheval frappé à la cuisse. C’était l’un des principaux de la bande, Louis Levasseur dit le Normand. Au bruit, les La Morlière, qui faisaient manger de l’avoine à leurs chevaux ou buvaient dans les auberges, brident au plus vite et se précipitent sur leurs armes. Dans la nuit, Mandrins et volontaires de Flandre se fusillent à bout portant. Un maréchal des logis de La Morlière, Dominique Pinaty, qui était demeuré assis dans la maison d’un paysan, fut dans ce moment tué d’un coup de fusil qu’un Mandrin lui tira par la fenêtre, de la rue noire dans la chambre où il buvait et qui était éclairée.

Les contrebandiers s’échappèrent par petits groupes dans des directions différentes. Mandrin était suivi d’une poignée de compagnons dévoués. Il ne laissait entre les mains du capitaine de Larre que deux chevaux. Outre le maréchal des logis, de qui il vient d’être question et qui fut tué, les volontaires de Flandre avaient eu un cavalier blessé.

Les contrebandiers trouvèrent un premier asile dans les épaisses forêts des environs. La plupart d’entre eux avaient abandonné leurs armes apparentes : quelques-uns les avaient même jetées dans un étang voisin. Au reste, ils étaient protégés par la sympathie du peuple qui favorisa partout leur fuite.

Durant les jours qui suivirent, on vit de côté et d’autre des petits groupes de contrebandiers qui sillonnaient le pays et cherchaient à se dérober. Surtout on crut en voir. Car s’il fallait additionner tous, les Mandrins qui furent signalés sur différents points de la France, on arriverait à leur attribuer de formidables effectifs.

Mandrin lui-même, avec quelques compagnons, gagna le Vivarais, d’où il passa en Provence, après avoir franchi le Rhône. Par le comté de Nice et le col de Tende, il se rendit en Piémont, et, par la route de Turin, il revint en Savoie. Le 24 janvier, il était de retour à Carouge, chez son fidèle ami Gauthier, l’aubergiste du Lion d’argent. Il y devait trouver le repos, comme à la suite de sa dernière campagne, quand il était revenu blessé au bras du combat qu’il avait soutenu dans la rue du Consulat au Puy.

Cette cinquième campagne, effectuée dans la saison la plus