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VI

À chacun des quelques romans que je viens de signaler on pourrait en joindre plusieurs autres, procédant de la même inspiration et consacrés à des sujets plus ou moins pareils ; et il y aurait aussi à en nommer d’autres dont les auteurs ont recouru à d’autres moyens pour introduire plus d’air, plus de relief et de mouvement, dans le vieux genre qui leur était transmis par leurs devanciers. Mais ce que j’ai dit aura de quoi donner une idée sommaire, à la fois, de l’objet commun que se proposent la plupart des romanciers allemands d’aujourd’hui et de l’embarras qu’ils éprouvent à le réaliser. Évidemment, ces écrivains s’accordent à sentir la nécessité de renouveler leur roman national, pour lui permettre de prendre sa place dans le grand courant moderne de la littérature romanesque européenne ; et alors ils s’efforcent d’élargir ou de briser les moules traditionnels, soit en soumettant leurs récits à nos règles latines des « trois unités, » soit en les affectant à la défense d’une « thèse, » soit encore en y transportant des sujets scabreux, que leur ingénuité leur représente comme l’expression la plus hardie de l’esprit « moderne. » Et cependant, personne d’entre eux, jusqu’ici, n’est parvenu à produire une œuvre non seulement nouvelle, et pouvant servir d’exemple aux générations suivantes, mais même assez intéressante et d’un art assez parfait pour se substituer, dans la faveur du public allemand, aux simples « chroniques » des romanciers de naguère. Toujours l’influence de la race et de l’éducation, chez eux, contrarie l’influence des modèles étrangers. Leurs romans sont trop lourds, trop diffus, ou d’un goût trop douteux, pour supporter la comparaison avec les romans français qu’ils prétendent égaler ; et cette prétention n’aboutit qu’à les dépouiller des aimables qualités de douceur, de rêverie, d’abandon familier, que l’on aimait jusque chez les moins adroits de leurs prédécesseurs.

Qualités qui, peut-être, ne sont pas absolument liées à la forme et aux habitudes anciennes du roman allemand, mais qui trop longtemps les ont accompagnées pour qu’il soit désormais facile de les en séparer. Le fait est que nous les retrouvons toutes, ces précieuses qualités, dans un roman aussi éloigné que possible de toute ambition novatrice : un roman qu’on