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de l’avoine pour les chevaux. Dans leur hâte, les contrebandiers firent manger cette avoine à leurs montures dans leurs manteaux de gros drap bleu, qu’ils déployèrent à terre. Puis, sans rien demander d’autre, sur les trois heures de l’après-midi, ils prirent la route d’Arlenc, à l’exception de Mandrin lui-même, qui resta à Marsac avec deux camarades, sans doute pour s’enquérir de la marche des soldats de Fischer, qui le poursuivaient bride abattue. A Marsac encore, chacun fut frappé de la tristesse de Mandrin, faisant contraste avec la gaîté qu’il avait montrée au cours de sa précédente expédition.

La bande, qui avait continué sa route, passa dans Arlenc, vers quatre heures du soir, au galop, d’un trait. Un poissonnier envoie ses observations au subdélégué d’Issoire. Il compta exactement 42 hommes et 46 chevaux. Les contrebandiers étaient vêtus misérablement, à l’exception des trois chefs qui marchaient en tête. Plusieurs des hommes avaient le bras en écharpe, enveloppé dans des linges sanglans. Hommes et chevaux paraissaient las. Plusieurs des chevaux étaient blessés. Les chefs pressaient continuellement le gros de la troupe en enjoignant de marcher plus vite. Un corps de cent-vingt hussards et dragons arriva à Ambert sur les huit heures du soir, le jour même où les Mandrins y avaient passé ; ils en repartirent le lendemain à quatre heures du matin. Fischer et ses hommes étaient, eux aussi, exténués ; mais, comme les margandiers accéléraient leur marche, ils accéléraient la poursuite.

Mandrin, qui était demeuré à Marsac, pour y recueillir des nouvelles, rejoignit les siens le 23 décembre à la Chaise-Dieu. Dans l’instant, bien qu’on fût dans le milieu de la nuit, il y fit acheter quelques chevaux et, tout aussitôt, fit « décamper » son monde.

Guidés à travers les fourrés profonds du Bois-Noir, par un homme du pays, nommé Landau, les margandiers arrivèrent à Fix-Saint-Geneix, où ils descendirent chez la veuve Fontaine, cabaretière, en cette veillée de Noël, au moment même où l’on sortait de la messe de minuit. Les chasseurs de Fischer, qui allaient ventre à terre, au nombre de cent cinquante à deux cents, ne les manquèrent à la Chaise-Dieu que de trois heures.

D’autre part, arrivait dans le pays, comme il vient d’être dit, sous le commandement du capitaine Iturbi de Larre, parti du Dauphiné, un fort détachement de dragons de La Morlière. Le