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l’Indo-Chine, sachant composer avec les conseils généraux. On songe à donner des corps élus à Madagascar : comme ils ne peuvent être désignés par le suffrage universel, leurs pouvoirs ne sauraient être étendus ni l’usage dangereux. Quand on n’assimile point trop rapidement de telles institutions à celles de la métropole, elles ont l’avantage d’obliger le gouverneur à écouter les doléances et les desiderata de la population ; et, pour peu qu’il ait quelque sens de la politique, il conduit les colons à demander ce qu’il désire appliquer. Or, dans ces pays où ils mettent tout leur orgueil à s’affirmer les fils de leurs œuvres, l’important est de savoir faire accomplir les progrès par les gens eux-mêmes qui y sont intéressés, nulle amélioration n’étant durable et profitable qu’à ceux qui prennent conscience de sa nécessité et y travaillent. On note partout l’insuccès des gouverneurs autoritaires, les plus intelligens et les plus ingénieux, qui, pour n’avoir pas tenu compte des activités et des initiatives individuelles, ont méconnu les possibilités de progrès des pays et précipitent à la faillite leurs trop grandioses opérations.

Evitera-t-on à Madagascar cette douloureuse épreuve, ou au contraire l’autoritarisme de M. Augagneur hâtera-t-il, par l’empressement à liquider, la banqueroute à laquelle, à l’entendre, l’autocratie du général Galliéni aurait acculé Madagascar ? Quoiqu’il en soit, le mot de banqueroute lui-même — d’ailleurs bien gros — ne devrait pas nous effrayer. Après Law, après Brienne, après les assignats, la France s’est relevée de bien plus rudes crises, et elles ne sont pas aussi graves pour une colonie que pour une métropole. Madagascar, pays neuf, a de grandes ressources, la plupart inconnues ou mal connues. Il s’agit de savoir, ensuite de vouloir : dans cette vaste colonie, ceux qui ont voulu ne savaient pas encore grand’chose et devaient être fatalement intimidés au milieu de leur action par les critiques précises ; ceux qui savent n’ont plus l’audace ou la largeur d’esprit de vouloir. Par haine du bluff, on est porté à limiter la colonisation à de la stricte comptabilité : politique de prudence mais de peu de portée. Le docteur Augagneur prescrit la diète là où les Américains recommanderaient la suralimentation : ce sont deux extrêmes. De la race française, plus que d’aucune autre, c’est la volonté qu’il faut exciter à l’action et c’est de la persévérance qu’il importe d’exiger. Des insuccès mêmes de la