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Madagascar : l’intérêt des colons l’exige et la concurrence de cette main-d’œuvre étrangère serait le plus heureux stimulant de la main-d’œuvre indigène, comme il est arrivé à la Réunion où des intrigues électorales seules ont arrêté l’immigration pour la ruine de l’île. Madagascar a l’inappréciable avantage de ne pas être troublé encore par elles, et le premier devoir de l’administration reste de favoriser l’immigration. Elle peut même la sélectionner dans une certaine mesure, par exemple en prenant surtout à l’Inde des campagnards agriculteurs au lieu des mercantis des villes. À la Réunion, on a été conduit, par des considérations de droit international, à naturaliser trop vite les enfans de ces immigrans et à les armer des mêmes droits électoraux que les fils des esclaves affranchis en 1848 ; à Madagascar, il n’y aurait lieu de les assimiler qu’à nos sujets. La Grande lie est logiquement appelée à constituer les États-Unis des races humbles de l’océan Indien sous la civilisation française.

Intéressés à l’exploitation des ressources naturelles, les étrangers de races blanches ne sauraient devenir le ferment d’indépendance de ces populations noires, puisque leur nombre sera toujours inférieur à celui des Français de la Métropole ou des Mascareignes. Les missionnaires mis à part, les Anglais sont et demeureront l’infime minorité ; dès qu’ils ne se cantonnent plus dans le commerce, les Allemands s’assimilent aux Français dans nos colonies, épousant des ménagères créoles ; c’est un avantage et un honneur pour le Grec d’être naturalisé, car il est en général de basse souche sociale et on le tient par l’amour-propre ; il y a tout avantage à attirer le plus possible d’Italiens, race latine vite associée : ils épousent au bout de peu de temps des Françaises et se policent extrêmement vite aux mœurs de leurs nouvelles familles.


VI. — L’ÉTAT ET LE COLON : CONCLUSION

Évidemment la situation de ces nouveaux Français resterait aussi critique que celle des colons d’aujourd’hui en face de l’administration peu paternelle. Il y a opposition tranchée entre l’administrateur et le colon. Le premier invoque d’excellens motifs : il a à protéger l’indigène contre le civil français