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sont en grande partie malgaches, — ils se mêlent même à eux, et, ne songeant pas comme les métropolitains à bâcler fortune pour retourner à Paris, tendent à former peu à peu une race métisse.

Les autorités françaises n’ont plus sur le métissage les idées de Louis XIV. Dans la plupart de nos colonies, les gouverneurs célibataires, dès leur arrivée, prennent publiquement pour maîtresse une jolie indigène afin d’inaugurer la politique d’ « association libre, » et nombre de fonctionnaires lui viennent faire la cour. D’ailleurs, la plupart d’entre eux, et des plus importans, chefs de service ou officiers supérieurs, se marient à l’indigène, selon les instructions mêmes du gouverneur qui recommandent là aux administrateurs le meilleur moyen d’être renseignés à l’avance sur les rébellions ; et, tandis qu’au Tonkin, ils se séparent vite de leurs petites-épouses morganatiques, à Madagascar, ils leur restent fidèles et reconnaissent presque toujours leurs enfans. La plupart vivent même à l’indigène chez leur femme indigène au milieu de leurs enfans indigènes. La ramatoa hova ou betsimisare, cependant à peine voluptueuse, est très prenante, câline, puérile, poétique, insinuante et littéralement ensorcelante, au point qu’une légende très tenace veut qu’elle s’attache les hommes en mêlant certaines herbes à leur nourriture. Minaudières, les femmes indigènes adorent bouder, très artistes en jalousie d’ailleurs superficielle, cajoleuses et amusantes, maîtresses en manières de soigner. Elles prennent rapidement de l’empire sur leurs vahazas, au point de faire commettre des folies aux fonctionnaires pour les habiller. Celles qui vivent avec des commerçans tiennent les clefs du coffre, parfois la caisse dans le magasin, avec un rare talent de comptabilité et de police.

Les Malgaches sont très flattés de ces mariages mixtes et ceux-ci contribuent à assurer à la France la possession de l’île. Ils aideraient également à établir définitivement les étrangers qui viennent y rafler l’argent, notamment les Chinois qui, au contraire des Indiens, ne font que séjourner jusqu’à magot amassé et se fixeraient si on ne leur accordait pas l’autorisation de ramener en Chine leurs femmes indigènes. Or ce sont des gens très utiles, qui ont développé par des moyens doucereux le commerce sur les côtes ; doués des plus fortes vertus de famille et prolifiques, ils sont aussi très assimilables, enclins à aimer la France et l’instruction qu’elle donne : parmi toutes