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Brunet), aux Français pauvres de Cuba et de Porto-Rico (projet Supervielle) et à ceux de l’Argentine ; il a même été question, après une loterie nationale distribuant des capitaux de 4 à 5 000 francs, d’une Mutualité ouvrière de colonisation. M. Marcel Dubois estime nécessaire et facile de reprendre à l’île Maurice un grand nombre de nos frères de race, et ils ont déjà assez largement coopéré aux premières tâches de colonisation. Ils ont d’autant plus le droit de participer à l’exploitation de la Grande Ile que Maurice lui achète des bœufs pour des sommes importantes et qu’on calcule avec lui pour l’écoulement des riz. Élevés à l’école des Anglais, ils ont le sens et l’initiative des affaires rapides ; ils sont actifs, entreprenans et, il est vrai aussi, indépendans, ce qui a contribué à indisposer contre un certain nombre l’entre eux les Bureaux de Tananarive. Mais ce sont les créoles de couleur surtout qui ont provoqué la méfiance par leur conduite équivoque, se réclamant de la France lorsqu’il y avait des avantages à recueillir, et se déclarant Anglais lorsqu’il s’agissait d’assumer les charges correspondantes.

Si les « créoles » des Mascareignes ont, dans leur ensemble, été mal vus par l’administration, cela tient dans une certaine mesure à la confusion qui s’établit, sous cette dénomination générale, des blancs, des mulâtres et des noirs nés dans ces îles. C’est en général l’écume des basses classes que les remous d’une grande expédition coloniale comme celle de Madagascar déposent sur les côtes conquises, et ce sont aussi les plus misérables qui ont quitté leur quartier natal, de climat fortuné, pour la grande terre inconnue. Il faudrait se garder de juger de la « colonisation bourbonnaise » sur l’exode malheureux des bandes d’électeurs paresseux et maladifs que le frère d’un ancien maire de Saint-Pierre essaya de discipliner à l’agriculture dans la brousse de Mananjary, avec un maigre crédit de 20 000 francs dont on présente sans cesse la créance à la Réunion. Même parmi les noirs, — intelligens, mais sans instruction et trop précocement convoqués à la dignité de citoyens, humbles êtres que le gouvernement a tout fait pour déclasser, en négligeant de leur donner la moindre conscience de la nationalité dont il les honorait et en les énervant par une instruction routinière, erronée, complètement inadaptée à leurs besoins et à ceux du pays, — un grand nombre, venus comme volontaires pour l’expédition ou comme ouvriers pour les premiers travaux de l’occupation, ont