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envahirent leurs assemblées pour les disperser en bagarres, soulevèrent partout le trouble et l’anarchie. On trouva, un matin, Radama étranglé avec une écharpe de soie. L’histoire, trop loyale pour n’accuser de ce crime que Rainilaiarivony, n’est pas • sans lui adjoindre, au moins comme conseiller spirituel, le Révérend Ellis. « Le Roi est parti, le traité ne subsiste plus : » tels furent les termes, à la fois évasifs et précis, par lesquels le premier ministre vint annoncer en même temps à Laborde le meurtre de son disciple et l’annulation du traité de commerce avec la France. Violentée, la nouvelle reine l’avait déchiré. Dès son avènement, elle signa des traités de commerce avec l’Angleterre et les États-Unis. Mais Laborde, alléguant une réclamation impérieuse de Napoléon III, exigea du gouvernement hova qu’il payât une indemnité de 870 000 francs à la Compagnie française si brutalement lésée. L’Angleterre offrit à Laborde, agent principal de cette Compagnie, de lui acheter la charte à un prix beaucoup plus élevé que l’indemnité fixée par Napoléon. Laborde n’était pas riche, mais il est superflu de dire qu’il refusa.

Désormais l’autorité anglaise méthodiste put se montrer d’autant plus arrogante et tyrannique. Les conversions se multipliaient, car elles s’effectuaient à coups de fouet. Les sujets qui avaient manqué les sermons du dimanche pour fuir ce qu’ils appelaient « la corvée, » étaient sévèrement punis. Par les « corvées royales, » des temples de pierre s’élevaient sur toutes les collines. Cependant les messes catholiques, célébrées en secret dans des paillottes, étaient immanquablement dénoncées et interrompues par l’irruption de faux fanatiques hovas. Après la destruction de Mantasoa, la rupture du traité français, la victoire de l’évangélisme britannique, il est prodigieux que Laborde songe encore, sans désespérer, à l’avenir. La maladie de la Reine l’ayant appelé près d’elle, il la soigne avec un tel dévouement qu’elle ne le nommait plus que « mon père. » Quand, alanguie de neurasthénie, elle transporte, pour se distraire, sa cour à Andevorante, il l’y suit à ses frais. Cependant il assure des relations avec les ministres et les premiers officiers, il se montre, il parle, il travaille à dissiper les préventions amassées contre la France, à combattre les erreurs répandues par l’astuce méthodiste. Plus tard, « comme père de la Reine et premier ministre, » il l’accompagne dans son voyage triomphal au Betsiléo. Ce sont des cortèges interminables de filanzanes