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circulaient en chantant, déroulaient leurs lambas rayés et de vieux airs madécasses. Toute la cité ouvrière, en ces jours de liesse qui rappelaient dans un décor de civilisation européenne les réjouissances sacrées d’Ambohimanga et les cérémonies nationales du Fandroana, se groupait autour de la grande maison du Blanc, laquelle avait été nommée « Beauté-sans-changement. »

Le génie constructeur de Laborde frappa à ce point l’esprit malgache que c’est à lui que la monarchie demanda d’édifier son Palais Royal, le symbole architectural de la suprématie hova dressé sur la plus haute terrasse de Tananarive et veillant aux quatre horizons de l’Émyrne. Répétant la leçon de Mantasoa, il fit encore comprendre aux Malgaches comment ils pouvaient réaliser de grandes choses en n’exploitant que les ressources offertes par leur terre : avec des briques et des tuiles fournies par Mantasoa, du ciment et de la chaux d’Antsirabé, les troncs des hautes forêts, il superposa les étages de galeries de ce Palais que les indigènes nommèrent « Charpente-colossale-et-hardie. »

Par tous ses actes, Laborde représentait la France de façon si éclatante que les missionnaires anglais combattirent sa patrie dans sa personne. Par des prônes adroits où ils flattaient les goûts de l’indigène pour l’espionnage, ils s’acharnèrent à perdre Laborde dans l’esprit de la reine. C’est alors qu’il dut, usant de ruse gasconne, s’ingénier à capter par de petits moyens l’attention enfantine de ces races badaudes et à la distraire par des amusemens des méditations pseudo-métaphysiques que l’évangélisme cauteleux des adversaires de la France imposait à leur conscience débile. Ce furent des cadeaux coûteux distribués en grande pompe et avec la nécessité, chaque fois, d’exhiber des nouveautés à la foule : un cheval, un piano, une boîte à musique mécanique, des expériences d’électricité récréative, des séances de prestidigitation et de photographie. Sur la place de Mahamasina, s’élevait un ballon, circulait un chemin de fer en miniature, un menu théâtre donnait des représentations. Il y employait les revenus de Mantasoa, qui lui servaient aussi à payer à des prix très élevés la rançon des matelots français que la police hova, toujours diligemment prévenue, surprenait fréquemment sur la côte orientale à pratiquer la traite des Antaimoros, ou à honorer par de grandioses réceptions musicales à Mantasoa le fils de la reine, le jeune Radama.

Nous admirerons ici que Laborde, usant de l’ascendant qu’il