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échange de quelques heures de service, ils toucheraient un modeste traitement fixe, ils hasarderaient beaucoup plus aisément et raisonnablement le reste de leur temps et de leurs fatigues. S’il est évident que les administrateurs et les magistrats doivent rester exclusivement fonctionnaires, il serait licite et avantageux, en introduisant le principe anglais du demi-temps dans le bureaucratisme, de répartir la fonction et la rétribution données à certaines catégories d’employés ou d’officiers publics entre un nombre double de personnes qui auraient ainsi assez de loisir pour s’adonner durant les heures libres à l’agriculture. La colonie n’a aucun avantage par exemple à réserver à un seul commissaire-priseur le monopole des ventes aux enchères dont le profit aiderait à vivre plusieurs de ces petits cultivateurs si méritoirement attachés à acclimater la vigne ou les céréales aux environs des grandes villes.

Ce système de colonisation, plus économique que la colonisation officielle, fixerait quelques familles de paysans qui mettraient une main française à la terre madécasse et, mieux que des instituteurs ou des vétérinaires trop occupés, montreraient aux Malgaches de quels soins patiens on sait entourer les bêtes en France. Le général Lyautey a signalé les difficultés insurmontables pour l’Européen de l’élevage en grand ; seul le colon pauvre ou la famille de l’employé saura garder soi-même et traiter ses animaux. Il préconise l’association avec les indigènes les plus intelligens. Le colonat partiaire, qui donne d’excellens résultats à la Réunion où, dans les cantons du Sud, il forme une population de petits-blancs laborieusement attachée à la terre, semble d’autant plus à favoriser que « le métayage est la sorte de contrat préférée des Malgaches » (capitaine Roux) : la mise en rapport d’un hectare exigeant le concours de cinq travailleurs indigènes, c’est la meilleure école pratique pour l’éducation agricole des Hovas ou des Betsimasarakas.

Ceux qui ont vécu aux colonies y ont rarement vu arriver un paysan laborieux qui n’ait réussi à s’y assurer au bout de quelques années l’aisance et parfois la fortune. Il y a dans cette classe une étonnante réserve d’énergie et de fécondité ; souvent étouffées dans les villages où la population est dense et où la politique gaspille vite les ressources d’activité et d’intelligence, elles s’épanouissent vigoureusement aux colonies. Notre race n’est pas seulement laborieuse, mais artiste, souple à tout faire par