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assuré par contrat aux termes duquel un employeur solvable s’engage à supporter les frais de son rapatriement qu’elle qu’en soit la cause » (arrêté du 15 juin 1903). On a proclamé à la tribune du Sénat que « l’expatriation des classes pauvres était une erreur funeste dont les conséquences ont été heureusement atténuées par la faible natalité de la race » et qu’il ne fallait pas tant conseiller l’expatriation des hommes que celle des capitaux. La colonisation des capitaux devint une formule de ralliement contre la petite colonisation. Et l’opinion générale s’est ancrée, précise jusqu’à fixer le chiffre, devenu officiel, de 5 000 francs, qu’on ne doit point s’embarquer pour les colonies sans capital.

Or si la colonisation ne réussit pas à Madagascar, c’est qu’il y vient surtout des gens de la moyenne bourgeoisie dans l’intention d’y faire ce à quoi ils n’ont pas été préparés, et avec des besoins assez onéreux que légitiment à leurs yeux la possession de leur petit capital : 5 000 francs leur donnent des prétentions de petits rentiers sans leur permettre aucune action sérieuse dans un pays où on ne peut rien entreprendre à moins de quelques centaines de mille francs. Les colons de la Nouvelle-Calédonie en ont fait l’expérience : ceux qui y sont allés avec de petits capitaux pour planter du café ou de la canne les y ont mangés, ceux qui sont arrivés sans argent et sans besoins ont survécu et souvent prospéré. L’Algérie s’est peuplée des familles pauvres de l’Espagne, du Midi de la France et de l’Italie qui, habitués à se contenter de peu, y trouvaient à subsister presque aussi facilement que les Arabes. On ne peut faire le peuplement d’un pays qu’avec des gens capables d’y vivre à l’indigène, et effectivement à Madagascar ceux-là seuls ont pu tenir et bénéficier ensuite des liquidations hâtives auxquelles les autres ont abouti.

On a toujours eu aussi à apprécier l’industrie des employés et des petits fonctionnaires qui, avec l’aide de leur famille, ont créé quelques plantations, de menus magasins, des écoles, etc. Il apparaît même que le gouvernement, formaliste comme la métropole, ne sait pas assez tirer parti des fonctionnaires pour la colonisation : en continuant à leur interdire de participer à de grandes opérations financières, il devrait les autoriser et même les inciter au développement du commerce et surtout de l’agriculture. Beaucoup de Français éprouvent une légitime répugnance à hasarder tout leur avenir aux colonies en y risquant la mort ou au moins la misère : assurés d’un poste où, en