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nourrir l’espoir qu’un pays aussi mal peuplé et dont l’insuffisant peuplement atteste l’insuffisante richesse, pourra jamais devenir le lieu de résidence d’une colonie nombreuse de Français de la métropole, de la Réunion ou des frères de race de l’Ile Maurice ? » pour y répondre avec force que la condition médiocre de Madagascar sous sa forme actuelle n’est point, à vrai dire, une condition naturelle, mais une condition historique, résultant de l’isolement de la Grande Ile qui s’est trouvée tous ces derniers siècles comme neutralisée entre les courans de navigation et de commerce passant à distance de ses côtes. Après ces considérations, qui eussent dû évidemment dominer les conceptions ministérielles, assez médiocres pour se laisser étroitement acculer aux moindres impasses des difficultés actuelles, il expose à quel point il est de nécessité nationale de travaillerai ! peuplement français des hauts plateaux. Cependant, le général Galliéni n’a rien fait pour y aider, parce qu’il savait que la métropole ne donnerait point l’argent nécessaire pour créer les premiers foyers de colonisation et aussi parce qu’il croyait le Hova assez habile et industrieux pour évincer sur tous les domaines la moindre concurrence européenne. Il est licite d’estimer au contraire que le Hova disparaîtra fatalement, en de certaines proportions, sous le régime de l’administration française, ne serait-ce qu’affaibli et corrompu par ses trop rapides progrès, et qu’il peut donc être remplacé par des Français. D’autre part, les indigènes ne sauront évoluer d’une façon qui leur soit profitable que s’ils se trouvent encadrés de familles françaises dont ces races essentiellement imitatrices puissent s’assimiler peu à peu les procédés agricoles, l’initiative industrielle, les qualités morales, les coutumes, et, en dernier lieu, les idées, pour s’adapter graduellement à la civilisation.

Si Madagascar est susceptible de recevoir du peuplement européen, la France, de son côté, saura-t-elle y diriger son émigration ? De nouveau l’État, les idées des gouvernans viennent s’interposer ici. Ils tendent énergiquement à discréditer la petite colonisation pour lui substituer la grande. Une loi même, restreignant parmi les libertés les plus chères aux Français celle de voyager à son gré sur le territoire national, a arrêté le mouvement spontané d’immigration à Madagascar : « Nul ne sera admis à débarquer dans la colonie s’il ne fait preuve d’y avoir un établissement ou s’il ne justifie de la possession d’un capital qui ne saurait être inférieur à 5 000 francs, ou d’un emploi