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de ses branches, l’huile de coton ; les cocoteries ne sont pas en rapport qu’on impose les huiles de coco. Un paysan français monte-t-il une brasserie à Antsirabé : on lui demande de payer 9 francs par hectolitre pour sa patente. Deux fabriques de tabac, sitôt créées, ont été ruinées par un impôt improvisé au profit du tabac de l’Algérie, prépondérante par ses députés ; l’un des directeurs a péri de chagrin de voir sa famille ainsi jetée à la misère. L’industrie sucrière, qui était prospère avant la conquête, est morte : à Nossi-Bé, à Tamatave, toutes les usines ont dû fermer. L’agriculture générale enfin ne voit pas dégrever les engrais étrangers qui sont indispensables à la mise en valeur des terres, et l’État n’a rien tenté pour obtenir des Messageries de meilleures conditions de fret. Que l’on rencontre souvent là-bas, réfugié aux villes pour tâcher de s’y raccrocher au commerce, de vieux colons français ruinés par la conquête française !

Cependant, quelques exploitations modestes ont donné de satisfaisans résultats, surtout aux environs des villes comme Tamatave où s’est fixée et développée depuis une trentaine d’années une population de race blanche ou métissée qui s’est acclimatée peu à peu et a pris connaissance de la terre, après avoir apporté des îles française ou anglaise voisines la pratique des cultures tropicales. Les métropolitains qui veulent placer leur argent aux colonies y expédient pour des opérations agricoles et industrielles un personnel de contremaîtres français qui fait travailler sous ses ordres des indigènes ; ceux-ci sont incapables de s’assouplir à cette direction européenne. C’est presque le contraire qu’il faudrait : sous un directeur européen qui impose les habitudes rigoureuses de comptabilité, de contrôle et d’activité pressante, des agens créoles ayant la manœuvre des engagés malgaches autant que des cultures tropicales, et de bons ouvriers spéciaux français pour les applications industrielles. Les entreprises médiocres conduites, plutôt mollement, par les créoles réussissent plus souvent que celles des Européens, méthodiques, mais inexpertes et surtout vite grevées de frais généraux trop luxueux, d’appointemens excessifs, de profits et pertes imprévus. La collaboration des métropolitains et des coloniaux est indispensable à la réussite d’une opération ; et elle deviendra féconde lorsque le gouvernement de la Réunion et le Ministère, qui a en mains tous les élémens nécessaires, se seront décidés à donner au créole, enclin à la routine, un enseignement agricole appelé