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cyclone, ses terres recouvertes par une crue anormale du fleuve voisin, et le gérant qu’il a laissé, vieil habitant pessimiste, affolé de voir ruinée par le même cataclysme sa petite propriété voisine, lui câble dans un accès de chagrin que tout est perdu. Il vend pour rien sa concession, ne se doutant pas que les trois quarts en pouvaient être encore d’un beau rapport. De tels essais font condamner en France toute entreprise agricole à Madagascar.

Les Compagnies n’obtiennent pas en général de meilleurs résultats. Une société anglaise, dans la baie d’Antongil, saccage à l’aveugle les forêts pour laisser pourrir sur place les neuf dixièmes du bois abattu, sans se préoccuper de l’avenir : les manœuvres coupent si mal les arbres que les pieds mâchurés pourrissent ; ensuite la hâte à transformer les troncs en madriers et en planches est cause qu’ils se dessèchent trop rapidement, gercent, fendillent et déforment, d’où discrédit injuste sur les bois de Madagascar. (Rapport de l’Inspecteur.) Beaucoup de Compagnies qui s’occupent actuellement d’agriculture ne s’y sont mises que par raccroc, ayant commencé par vouloir exploiter de la houille, des forêts, quelque minerai inconnu ; on conçoit qu’elles sont mal préparées à réussir. S’il est recommandé dans une entreprise coloniale de mener de front l’élevage et plusieurs cultures, autre chose est de remplacer hâtivement l’une par l’autre, ce qui ne permet jamais d’utiliser l’expérience de ses échecs. La célèbre Compagnie Suberbie reste un exemple de persévérance à méditer. Fondée en 1886 au capital de 15 millions, elle se proposait fastueusement de créer un port, une ville à 300 kilomètres de la côte, un Transvaal dans le Boéni, tentant ensemble élevage, agriculture, industrie et mines d’or ; pour exploiter ses filons, elle fit de très importantes acquisitions de machines qui restent inutiles : les filons ne rendirent point et le désastre était imminent, quand, au lieu de liquider, un personnel nouveau se mit à l’œuvre avec activité. La société se fit agent de messageries et installa des ateliers de réparation, des briqueteries, une usine à décortiquer le riz : elle survit. Il faut toujours se maintenir.

Il n’est pas malaisé à ceux qui connaissent les maisons de commission parisiennes et qui sont allés ensuite à Madagascar de discerner pourquoi la grande agriculture y a peu réussi ; il suffit d’envisager comment on fonde une entreprise coloniale en France. Quelque hère un peu remuant, — ce sont les seules personnes qui se mettent en avant, usent de bagout, affirment