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Sa troupe fut rangée dans la cour du couvent, puis il dépêcha des parlementaires aux Autunois, pour les prier de lui ouvrir leurs portes et de lui verser 25 000 livres, afin de lui éviter l’obligation d’incendier les faubourgs et de massacrer les séminaristes. Il était une heure de l’après-midi. Autun capitula. Par la porte des Marchaux, Mandrin entra seul, — comme Aimeri dans Narbonne, — avec deux camarades pour gardes du corps. Il avait l’air tout à la fois martial et bon enfant. Il portait toujours son habit de drap gris avec la veste de panne rouge à petits carreaux ; une cravate de soie rouge, son chapeau de feutre noir bordé d’or, l’aile de devant rabattue sur les yeux et celle de derrière retroussée au-dessus de la nuque. Il tenait à la main un fusil à deux coups armé d’une baïonnette. Les deux hommes qui l’accompagnaient étaient en haillons, mais ils avaient de grands manteaux de gros drap bleu avec des paremens et une doublure rouges. Mandrin imposait par sa résolution, par son prestige et aussi parce que les Autunois ne doutaient pas que, au moindre attentat contre sa personne, les trente-sept séminaristes gardés chez les bénédictines ne fussent massacrés.

Les représentans des Fermes, qui savaient les troupes du Roi aux trousses du bandit, cherchaient à traîner les négociations en longueur. Mandrin les pressait. Enfin il transigea pour une somme de 9 000 livres, en échange desquelles il donna outre un reçu, des bons sur le tabac qu’il avait laissé entre les mains de l’entreposeur de Seurre. Tout se passa d’ailleurs dans les belles formes que Mandrin affectionnait et il ne crut pas devoir refuser la prise de tabac que M. Duchemain, entreposeur des tabacs à Autun, eut l’honnêteté de lui offrir.

A la prison une demi-douzaine de détenus furent encore élargis par le contrebandier qui s’y présenta tout seul. Enfin il enrôla dans la ville sept colporteurs. Il allait par les rues sans autre escorte que ses deux gardes du corps et les gens venaient lui faire des révérences. Les bourgeois l’abordaient en se proposant comme correspondans et entreposeurs pour l’écoulement de ses marchandises. Ainsi l’entreprise se développait et s’affermissait de jour en jour.

Les Mandrins quittèrent Autun à six heures du soir[1] et

  1. Sur le passage des Mandrins à Autun, voir Harold de Fontenay, Mandrin et les contrebandiers à Autun, Autun, 1871, in-8.