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nement, leur défilé sous le drapeau noir, place de la Nation, devant le Président de la République contraint à rabattre son chapeau et finalement à s’en aller, leur collaboration singulière avec la police au pavillon d’Armenonville. La logique intérieure qui porte toute cause à développer ses conséquences entraîna malgré lui, et de quelque flegme qu’il couvrît son embarras, M. Waldeck-Rousseau à suivre une politique qu’il n’eût pas conçue, qu’il ne dirigea point, qui le dirigea, et que plus tard, après qu’au bout de trois ans, las et blasé, il eut quitté le ministère, il dut désavouer dès qu’il la connut, en alléguant qu’il ne la reconnaissait pas. La voie était frayée à M. Combes. Alors, ce n’est plus la chute, c’est la dégringolade.

À lui seul, sans Congrès, sans aller à Versailles, M. Combes a opéré une révision des lois constitutionnelles, qui est toute une révolution, qui est la révolution. Son règne de deux ans et demi se divise en deux époques : pendant la première, il a été mené ou il a feint de l’être ; pendant la seconde, il a mené, ou il en a fait le geste, esclave et despote tour à tour, sinon à la fois ; aux deux époques, à la fois cassant et soumis, impérieux et subalterne. Dans l’une comme dans l’autre, il a jeté ou poussé le gouvernement hors du gouvernement ; il a substitué ou laissé substituer au ministère et au Parlement la Délégation des gauches, aux préfets et sous-préfets les espions de chef-lieu, aux maires les délégués ; à l’administration une contre-administration, au gouvernement un contre-gouvernement ; il a réalisé en sa plénitude désolée, tour à tour, sinon à la fois, le Pas-de-Gouvernement du gouvernement et le gouvernement du Pas-de-Gouvernement. Où était-il, sous lui, ce gouvernement introuvable ? Dans les congrès radicaux-socialistes ? Au convent de la rue Cadet ? Dans les comités ? Dans les loges ? Partout, excepté où il devait et il paraissait être. Partout, c’est-à-dire nulle part. Que M. Combes s’en accommodât, parfait ; qu’il préférât ce procédé, à son aise. Mais il ne s’agissait pas de lui, il s’agissait de nous, « et l’histoire, remarquait-on à cette place, l’histoire à laquelle il a offert, avec une générosité qui l’honore, sa mémoire en holocauste, l’aura depuis longtemps plongé dans une de ses oubliettes que le mal qu’il a fait ou exaspéré continuera d’être le mal politique de la France[1]. »

  1. Voyez, dans la Revue du 1er novembre 1903, l’article intitulé : Où est le Gouvernement ?