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empressé auprès d’une jeune personne de Clermont, « qui est, dit-il, la Sapho du pays, et qui est assurément l’esprit le plus fin et le plus vif qu’il y ait dans la ville. » Mais Fléchier écrivait en 1665, une quinzaine d’années après les événemens auxquels il fait une allusion assez peu précise ; l’autorité de l’aimable et galant prélat, surtout en matière d’anecdotes provinciales dont il n’indique pas la provenance, et dont il se fait l’écho peut-être embelli, et, en tout cas, un peu malicieux, n’est pas de celles qui s’imposent sans réplique à l’historien ; d’autre part, les biographes de Pascal discutent encore la question de savoir si cette anecdote se rapporterait au séjour que fit Pascal en Auvergne en 1649, ou à celui qu’il fit vraisemblablement en 1651 ou 1652[1] ; et enfin, l’on a pu se demander, — c’est M. Lanson, — s’il « ne s’est pas fait une confusion, soit dans la tradition locale, soit dans l’esprit de Fléchier, entre Pascal et un de ses cousins, qui se nommait Blaise aussi. » Voilà bien des doutes et bien des « questions préalables. » Fussent-elles toutes résolues, et de manière à confirmer pleinement le témoignage de l’auteur des Mémoires, il faudrait encore se demander si l’esprit n’était pas plus profondément intéressé que le cœur dans les relations, — assez peu prolongées, du reste, à ce qu’il semble, — de Pascal avec la « Sapho » clermontoise. Mais voici un témoignage beaucoup plus direct, important et décisif. Marguerite Périer nous dit, en propres termes, que son oncle « prit la résolution de suivre le train commun du monde, c’est-à-dire de prendre une charge et

  1. Pascal passe aussi pour avoir composé et écrit de sa main au dos de deux tableaux du château de Fontenay-le-Comte, aux environs de Poitiers, les deux pièces de vers que voici. Elles dateraient de son voyage en Poitou, en 1652 :

    Les plaisirs innocens ont reçu pour asile
    Ce palais où l’art semble épuiser son pouvoir :
    Si l’œil de tous côtés est charmé de le voir.
    Le cœur à l’habiter goûte un bonheur tranquille.
    On y voit dans mille canaux
    Folâtrer de jeunes Naïades,
    Les Dieux de la terre et des eaux
    Y choisissent leurs promenades ;
    Mais les maîtres de ces beaux lieux
    Nous y font oublier et la terre et les cieux.

    De ces beaux lieux, jeune et charmante hôtesse,
    Votre crayon m’a tracé le dessin.
    J’aurais voulu suivre de votre main
    La grâce et la délicatesse.
    Mais pourquoi n’ai-je pu, peignant ces dieux en l’air,
    Pour rendre plus brillante une aimable déesse,
    Lui donner vos traits et votre air ?